Opinions - 30.05.2013

Rebâtissons ensemble notre économie

 La décision prise par l’UGTT d’engager de nouvelles négociations en vue de nouvelles augmentations salariales  pourrait satisfaire les uns qui, à juste titre, constatent que ce qu’on leur a donné d’une main a été repris de l’autre du fait de l’inflation. Le phénomène est connu et de triste mémoire. D’augmentations en augmentations et sans une maitrise de  l’économie, celle-ci se dégrade et emporte tout le monde.
Oui, la Centrale syndicale avait prévenu le Gouvernement et a conditionné son accord par la nécessité d’une maitrise de l’inflation.

 Mais, ce Gouvernement pouvait-il le faire  et en si peu de temps ? En avait-t-il les moyens et la capacité ? Toute la question est là.

 Lorsqu’on relève que déjà le budget de l’Etat est obéré par une masse salariale colossale faite  au détriment du budget d’investissement, on se demande vraiment si la requête de l’UGTT est opportune.

Alors que l’investissement privé tarde à redémarrer sérieusement et que l’investissement public rencontre sur le terrain des difficultés de réalisation, que  la production et  l’exportation n’ont donc pas encore repris leur élan, on se demande s’il est politiquement et économiquement réaliste de discuter de nouvelles augmentations salariales,  lorsque l’on sait, a priori, qu’elles seront en fait virtuelles.

A quoi joue-t-on ? à faire pression sur le Gouvernement pour qu’il s’attelle à résoudre les problèmes politiques qui entravent le développement ? Ou parce que sa base lui échappe en partie ?

Nous avons été heureux de constater la mise en place, il y a quelques mois, d’une formule originale de dialogue entre l’UGTT, l’UTICA et le Gouvernement. C’est cet espace qu’on aurait dû activer avant d’annoncer aux salariés que de nouvelles négociations  salariales vont être engagées. Dans ce bras de fer, pourquoi l’entreprise ferait-elle les frais d’une telle démarche ?

Pour qu’enfin le pays voit le bout du tunnel, il faudrait que d’un côté comme de l’autre on soit responsable et donc conscient des risques encourus.

Une balance commerciale profondément déséquilibrée, un budget  en déficit bien au-delà des normes admises (3%), une balance des paiements qui demande un appel de fonds en devises et l’immixtion du FMI dans notre gestion  , des réserves de change en deçà du palier admis ( 100 jours  d’importations environ ), une inflation élevée et une monnaie qui se déprécie vis-à-vis de nos partenaires, autant de signes qui appellent à l’unité des efforts de tous, sans aucune exception, pour redresser à temps la barre.

Face à ce péril, les problèmes politiques devraient normalement, aux yeux de nationalistes responsables, être résolus et assez rapidement, et en premier lieu la sécurité.

On s’interroge sur la réticence du Pouvoir à prendre conscience de la gravité de la situation économique et de l’urgence qu’il y a à mettre au second plan certains problèmes politiques avec l’opposition. L’heure ne souffre plus  l’attente et la perte de temps. Nous devons tous agir.

Nous avons commis la bêtise d’opter pour une ANC en refusant  d’amender la loi de 1959 et nous revoilà aujourd’hui commettant à nouveau des erreurs notamment en trainant les pieds à présenter une constitution avant-gardiste et un cadre électoral transparent.

Dans l’intérêt du pays, pourquoi ne reconduirait-on pas purement et simplement l’ISIE au lieu d’en créer une autre, de toute pièce, et qui  de surcroit ne semble pas emporter un large consensus d’où le risque d’un nombre élevé d’abstentions.

Que cherche-t-on à vouloir tout déconstruire et à s’entêter à vouloir tout reconstruire  à nouveau mais en moins bien ?

 Dans le cadre d’un dialogue national, le plus large possible, oh combien nécessaire, le Gouvernement doit parvenir à un recadrage consensuel de sa politique économique et sociale.

 Il pourra s’appuyer  sur toutes les bonnes volontés soucieuses de l’intérêt du pays et disposées à prêter bénévolement leurs concours chacun dans le domaine de sa compétence. Elles n’attendent , j’en suis plus que convaincu, que le feu vert de l’état-major politique pour mettre la main à la pâte et baliser la trajectoire pour le court et même le moyen terme.

Dans ce contexte, le droit de grève qui est un droit conquis de longue date par les forces ouvrières dans tous les pays du monde doit être prévu et protégé dans notre constitution. Mais, Il est un autre droit dont on ne parle pas assez, ou timidement, c’est le droit à la production et à la productivité. Nous en avons tant besoin dans les circonstances que nous traversons. Ces droits vont de pair.

A cet égard, Instruisons-nous de l’exemple de la Corée du Sud, l’un de ces dragons de l’Asie, qui était hier sous développée  tout comme nous et qui, aujourd’hui, est une nation industrielle développée avec un niveau de vie bien plus élevé que le nôtre.

Là-bas l’ouvrier fait grève mais la production ne s’arrête pas. C’est l’une des raisons essentielles du miracle. C’est un exemple à méditer par nos syndicalistes et nos entrepreneurs.

Suffit-il de solliciter des augmentations salariales sans tenir compte de la réalité de nos entreprises ?
Mais, là aussi, lorsque l’ouvrier manifeste pacifiquement son mécontentement, il est rapidement entendu par son employeur qui engage immédiatement avec ses représentants un dialogue constructif à l’avantage des deux parties.

Nous devons avoir aussi cette culture de l’entreprise combinée à un respect des droits du salarié.
C’est donc en changeant de mentalité que nous pourrions rebâtir ensemble notre économie.
Par les temps qui courent, avons-nous besoin de changer notre modèle de société ? Avons-nous besoin de « réislamiser » le pays en commençant déjà par les écoles coraniques ? Avons-nous besoin de diviser une société unie, en factions qui se haïssent et sont sur le point de s’entretuer puisque les armes ont fait leur apparition dans le pays avec des camps d’entrainement ? Avons-nous le droit de perdre du temps ?
Mais, La « révolution » n’a chargé personne pour s’atteler à ces tâches. Elle  a demandé plus de droits, de liberté et de justice. Rien que cela.

Il est temps que certains abandonnent leurs illusions et donnent la priorité à tous les enfants de ce pays pour rebâtir ensemble une économie au profit de toutes les couches sociales et les régions.

Mokhtar El Khlifi