Opinions - 24.04.2013

FMI-Banque mondiale: les réunions du printemps 2013

Les réunions du printemps des institutions de Bretton Woods sont à mi-chemin entre les Assemblées annuelles qui se tiennent tous les septembre octobre de chaque année. Le printemps et l’automne sont, en effet, les plus belles saisons à Washington D.C. où se trouvent leurs sièges.

Ces réunions sont l’occasion pour les deux organisations de mettre à jour leur évaluation des progrès accomplis dans les tâches mandatées par les Assemblées annuelles, revoir leurs pronostics relatifs à l’année en cours, retravailler les milliards de données  chiffrées sur les économies des pays membres, tenir des séminaires auxquels participent les meilleurs spécialistes du monde sur les points chauds de l’actualité et ouvrir l’occasion de discussions avec les délégations de ces pays sur leurs problèmes spécifiques. 

Ce fut le cas de notre pays. Certes, l’on ne s’est pas contenté des discussions avec le staff de ces institutions mais des entretiens de haut niveau ont été tenus avec les ministères clé de l’administration Obama, tels que le Trésor, le Département d’Etat et le Département du commerce. Ce dernier département est important pour la Tunisie qui jusqu’à présent n’a pas eu la chance d’avoir un accord commercial privilégié avec les Etats-Unis. La Jordanie et le Maroc bénéficient d’accords depuis de longues années et peuvent écouler des marchandises comme les textiles et les produits alimentaires sur l’immense marché américain sans restrictions douanières. Si la Tunisie bénéficie d’un tel accès, un produit comme l’huile d’olive, que nous exportons actuellement en vrac en Italie pour être commercialisé comme huile italienne aux Etats-Unis, pourrait être exportée comme huile raffinée tunisienne vers ce marché en pleine expansion. La reprise du dialogue avec les responsables américains aura été bénéfique, après l’attaque de leur ambassade le 14 septembre dernier et le long vide diplomatique qui vient d’être heureusement comblé par la nomination récente d’un nouvel ambassadeur tunisien.

Avec le FMI, les discussions se sont concentrées sur le crédit stand by qui a été finalisé au niveau du staff et qui passera à la mi-mai au Conseil d’administration pour approbation définitive. Ce crédit vient appuyer le programme de redressement économique de la Tunisie en 2013, 2014 et 2015. Il donnera le sceau d’approbation d’une organisation aussi importante que le FMI vis-à-vis des agences de notation, des organisations multilatérales de financement telles que la Banque mondiale,  la Banque africaine de développement, la Banque européenne de reconstruction et de développement et des créanciers bilatéraux.

Dans ses Perspectives économiques mondiales, le FMI projette des taux raisonnablement optimistes de croissance pour la Tunisie : 4% en 2013, 4,5% en 2014 et 4,8% en 2015. Quant au taux d’inflation, le FMI projette 5,3% en 2013 et 5% en 2014. Le déficit de la balance courante des paiements qui a atteint 8% du PIB en 2012 est censé baisser à 7,3% en 2013 et 6,6% en 2014. Ce déficit pourrait être financé par des investissements directs étrangers, des investissements de portefeuille dans des entreprises tunisiennes et d’autres flux de capitaux.

Si le programme tient la route, la Tunisie pourra surmonter une des plus graves crises économiques depuis son indépendance. Bien sur, cela suppose la mise ne œuvre de grands chantiers de réformes. Sur le plan des finances publiques, il s’agit de la réforme de la fiscalité, avec la suppression des déclarations forfaitaires et surtout la baisse de l’impôt sur les sociétés afin de pallier la dichotomie actuelle entre les secteurs offshore et on shore. L’entrée en vigueur du nouveau code des investissements viendra compléter cette réforme. La réforme la plus innovatrice dans les finances publiques sera l’élimination des subventions des hydrocarbures qui grèvent lourdement le budget de l’Etat.

Le FMI estime que les subventions énergétiques dans le monde ont coûté 480 milliards de dollars en 2011 soit 0,7% du PIB mondial ou l’équivalent du PIB de la Belgique ou de la Norvège. Ces subventions sont concentrées dans les pays du Moyen Orient et de l’Afrique du nord  où elles représentent 50% des subventions totales ou 8,5% du PIB de la région et 22% des recettes budgétaires totales. Le problème n’est donc pas limité à la Tunisie. Les subventions des autres produits devraient être supprimées graduellement et remplacées par des transferts cash aux populations nécessiteuses. Il ne faut pas toucher au pain.  Sur le plan monétaire, une politique prudente est nécessaire pour lutter contre l’inflation. La réforme bancaire devient de plus en plus urgente.

Il est intéressant de relever que le 37ème Comité international monétaire et financier sous la présidence du Ministre des finances de Singapour a noté dans son communiqué final « le soutien du Fonds aux pays arabes en transition et se déclare jusqu’ici satisfait de ce soutien ».

Il reste également à relever que la Tunisie n’a jamais eu le privilège de siéger au Conseil d’administration du Fonds. A la Banque c’est le cas depuis plus de quarante ans. Notre pays n’est pas représenté non plus au sein ni du Comité de développement de la Banque mondiale ni au Comité international monétaire et finan cier du FMI. Nous avons négligé jusqu’ici ces postes importants dans la finance internationale. Espérons que la Tunisie postrévolutionnaire changera cette situation maintenant qu’elle compte sur le soutien du FMI.

Dr. Moncef Guen
Ancien haut fonctionnaire du FMI