News - 17.04.2013

Ah ce satané football, devenu le champ clos où s'épanche la déraison !

Il y a un an, le retrait par un jeune salafiste du drapeau national du mât de la faculté des lettres de la Manouba avait suscité, à juste titre, une très vive émotion.  Aujourd'hui, on est presque tenté de le remercier d'avoir plié soigneusement le drapeau après l'avoir retiré. Car avec la profanation du drapeau et qui plus est, à Bizerte, haut-lieu de la résistance sous le protectorat, on vient de  franchir un nouveau palier dans l’ignominie.

On est partagé entre la tristesse et l’inquiétude : tristesse parce qu’on croyait avoir atteint avec l’incident de la Manouba le sommet de l’infamie, inquiétude de voir peu à peu cette volonté de vivre ensemble qui constitue le fondement d’une nation, s’effriter et ces actes sacrilèges se banaliser au point de ne plus susciter de réactions. C'est que ce geste inqualifiable survient à la suite d'actes de même acabit qui se sont produits dans différentes région du pays. Pour exprimer sa colère, on exhibe maintenant un drapeau étranger. Cela s’est produit dernièrement à Gabès, au Kef. On agite même la menace d’une sécession.

Rien ne doit nous surprendre, surtout quand on sait les raisons de ce vent de folie qui souffle sur le pays. Ce n'est ni la misère, ni le chômage. C'est ce satané football, devenu le champ clos où «s'épanche la déraison» qui soulève les passions, mobilise les foules. Avec l'intrusion de la politique, nous avons là un mélange détonnant dont il faut tout attendre, surtout le pire. On ne parle plus de supporters, mais de peuples. C'est ainsi qu'on a aujourd'hui le peuple du Club Africain, ceux de l'Etoile du Sahel, du CSS, de l'Espérance ou du CAB. Les clubs dans la Tunisie postrévolutionnaires sont devenus, plus que les nations, des repères identitaires.

Sommes nous tombés de Charybde en Scylla ? Nous sommes-nous débarrassés de la dictature de Ben Ali pour subir celle du football ?

Hédi Béhi

 

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