Stéphane Hessel: pour les sionistes, «il est des morts qu'il faut qu'on tue» !
Incapable de traiter Stéphane Hessel d’ «antisémite» - né d’un père juif et dont la propre fille a été volontaire dans un kibboutz - le Jerusalem Post – qui soutient la droite type Likoud, le qualifie d’ «antisioniste». Pareillement, Richard Prasquier le tonitruant patron du CRIF (Conseil Représentatif des Juifs de France) ne peut se retenir de verser son fiel sur un mort qui osait critiquer cette perle sans tache à ses yeux qu’est l’entité sioniste du raciste Lieberman et du va-t’en-guerre Netanyahou. Parlant de Hessel, tout à son aveuglement, il ne peut s’empêcher d’exhaler sa haine sur ce Juste : «Nous étions très opposés à ses prises de position, notamment sa volonté obsessionnelle de faire de Gaza l’épicentre de l’injustice dans ce monde et du Hamas un mouvement pacifique… Nous étions effarés par le succès de son fascicule d’une indigente indignation… Stéphane Hessel fut avant tout un maître à ne pas penser… Le travail de déconstruction sera effectué».
Ce sont les paroles et les moyens des enragés des lobbys sionistes - américain et français notamment - qui empêchent les timides tentatives de l’administration Obama de faire entendre raison à Netanyahou sur la question des colonies et, plus généralement, d’avancer vers une solution du conflit. De leur côté, Richard Prasquier et ses acolytes ont amené probablement François Hollande à se faire l’agent électoral de Netanyahou à Toulouse le 31 octobre dernier et lui ont permis de sortir de son isolement sur le plan international.
Le Premier Ministre israélien s’est permis, de la tribune ainsi offerte, d’appeler les juifs de France à faire leur «alyah» («ascension», immigration vers Eretz Israël) à l’heure où, précisément la «yerida» («descente», émigration hors d’Israël) fait que le solde migratoire israélien est quasi nul (Voir A. Mailhos, N. Meunier et J. Simonin, «La vague noire en Israël. L’ultra-religiosité menace-t-elle l’Etat hébreu ?» L’Harmattan, Paris, 2012, p. 69-70). Or, l’entité sioniste est minée de l’intérieur par la violence des ultra-orthodoxes et, disait Hessel, par les effets pervers de l’occupation et de la colonisation (Haaretz, 28 février 2013) – en somme, comme l’a été la France lors de la guerre de l’indépendance algérienne. Prasquier ne saurait pardonner à Hessel d’avoir déclaré au Haaretz Magazine en 2012 : «L’Europe est totalement l’esclave de la propagande israélienne. L’Europe ne lève pas le petit doigt pour empêcher Israël de se conduire comme il le fait maintenant. La propagande israélienne en Europe, en France et aux Etats Unis est bien plus efficace que toutes les autres».
Dans cette même interview au Haaretz, face aux manifestations sociales à Tel Aviv, il suggérait que l’argent dépensé dans la répression des Palestiniens, la colonisation et l’occupation serait mieux utilisé s’il était dépensé pour alléger les difficultés économiques et sociales des Israéliens en colère, boulevard Rothschild, la grande artère de la ville. Parlant du conflit israélo-arabe, il déclarait : «Je n’ai aucun lien particulier avec les Arabes ou les Palestiniens. Mais je me sens une obligation vis-à-vis d’Israël, une responsabilité de la part de quelqu’un qui a survécu à la Deuxième Guerre Mondiale et qui a vu, de très près, la souffrance des juifs. C’est cette obligation qui fait que j’écris qu’Israël doit se conduire différemment pour assurer sa sécurité… Les Israéliens savent que, sur le long terme, il n’est pas bon, pour leur pays, d’utiliser de plus en plus la force et qu’avoir des relations amicales avec ses voisins, bénéficiera à leur pays».
Revêtant son habit de diplomate, il devait ajouter que le jour où naîtra un Etat palestinien - «sujet du droit international et en mesure de maintenir des relations indépendantes avec Israël»- on pourra alors commencer à parler de la sécurité d’Israël qui est d’ «une importance centrale dans l’histoire moderne» soulignait-il. Affirmant son soutien à la solution des deux Etats, il devait conclure : «Tant que la violence palestinienne existe - mais pas un Etat palestinien - Israël est en danger car il ne peut obtenir assistance de la part de la communauté internationale contre une entité qui n’est pas subordonnée à la loi internationale… Pour moi, les choses sont claires : nous devons faire preuve d’un très fort soutien pour Israël sur les questions de sécurité et être extrêmement critiques s’agissant de l’occupation»
Suite à l’attaque israélienne de la Flottille de la Paix qui fit neuf victimes, il devait écrire, en 2010, un article pour appeler à rejoindre le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) de boycott d’Israël lancé en 2005 par la société civile palestinienne. Il y mettait en pièce les arguments juridiques présentés par la partie sioniste pour justifier cet acte de piraterie en haute mer, dans les eaux internationales. Il concluait cette contribution ainsi : «Je soutiens les mots sincères de l’écrivain écossais Iain Banks qui, en réaction à l’attaque atroce d’Israël de la Flottille de la Liberté, a suggéré que la meilleure façon pour les artistes, écrivains et universitaires internationaux de « convaincre Israël de sa dégradation morale et de son isolement éthique » est « tout simplement de ne plus rien avoir à faire avec ce gouvernement criminel».
On voit ainsi pourquoi M. Prasquier prétend s’atteler à «déconstruire» Stéphane Hessel… comme si l’on pouvait «cacher le soleil avec un tamis» comme dit notre proverbe. Rappelons que ce dernier s’était vanté d’avoir obtenu l’interdiction d’une réunion à l’Ecole Normale Supérieure (rue d’Ulm à Paris) où devait parler Hessel du BDS, en janvier 2011. Le Figaro du 28 février est venu apporter son aide à l’œuvre impie du chef du CRIF. On y lit, sous la plume d’Etienne de Montéty, qu’avec Hessel, «le slogan avait remplacé le raisonnement. Le point d’exclamation était devenu la marque éditoriale de Hessel. La philosophie ne s’en trouvait pas renouvelée mais qu’importe». Comme M. de Montéty, nombreux sont les plumitifs qui n’arrivent pas à digérer le succès du livre de Hessel «Indignez- vous» tirés à 4,5 millions d’exemplaires.
Un autre admirateur inconditionnel d’Israël, Ivan Levaï, qui sévit, lui, le week-end sur la matinale de la radio France Inter pour une revue de la presse, n’a rien trouvé, dimanche 3 mars 2013 à dire sur Stéphane Hessel dans les publications mais il a plaint, le brave homme, le sort des femmes en pays musulman ! Levaï n’a sûrement jamais entendu la phrase «hadarat nashim» (exclusion des femmes) qui fait le buzz en Israël. Le Professeur de pédiatrie Mme Channa Maayan en a fait la bien triste expérience (The New York Times, 14 janvier 2012). Auteure d’un livre sur les maladies héréditaires des juifs, elle devait recevoir un prix décerné par le Ministère de la Santé israélien. Sachant que le Ministre était un ultra-orthodoxe, elle mit un chemisier à manches longues et une jupe qui lui arrivait aux chevilles.
Mais cela s’est révélé insuffisant ! Mme Maayan dut se séparer de son mari lors de cette cérémonie où la mixité était bannie et on l’informa qu’un homme devait recevoir à sa place le prix car les femmes ne devaient pas se montrer à la tribune ! «A l’heure où nul progrès n’est enregistré dans le conflit avec les Palestiniens, les Israéliens découvrent un problème interne jusque-là négligé : la place des juifs ultra-orthodoxes qui donne lieu à une crise centrée sur les femmes» écrit Ethan Bronner dans le quotidien new-yorkais. Ces ultra-orthodoxes (haredim), sont cajolés par les gouvernements israéliens successifs de gauche comme de droite pour leurs votes ! Ce qui amène un membre de la Knesset à les considérer comme une force souterraine, comme la lave d’un volcan qui explosera un jour d’autant que ces religieux - vivant aux crochets de l’Etat sans travailler - font beaucoup d’enfants. En fait la crise est là et bien là.
C’est ainsi que les organisations de médecins israéliens menacent de ne plus participer aux manifestations scientifiques auxquelles les femmes ne peuvent monter à la tribune ! De son côté, le rabbin en chef de l’armée de l’air sioniste a récemment démissionné car l’état-major a décidé de sanctionner des soldats orthodoxes qui ont boycotté une cérémonie… parce que des femmes devaient y chanter. Or, pour ces «haredim» («qui tremblent devant dieu»), la voix féminine est à proscrire !
La mort a surpris Stéphane Hessel «au milieu de notre jardin imparfait» comme disait Montaigne. Le politologue Philippe Corcuff craint que ce «héros fragile» ne soit «statufié». Et de rappeler que ce proche de Pierre Mendès-France… était un soutien - avant sa descente aux enfers - de Dominique Strauss Kahn, cet homme qui, chaque matin, se demandait ce qu’il pouvait faire pour Israël aujourd’hui et qui, en Tunisie, ne tarissait pas d’éloges sur la politique économique de Ben Ali!
Demeure la leçon de Stéphane Hessel : agir et faire avancer l’éthique de l’action. Coûte que coûte. Dans l’esprit de la Déclaration Universelle des Droits dont il assisté la naissance. Il devait sûrement être de l’avis du Président Mandela qui affirmait : «Notre liberté demeurera incomplète tant que le Palestiniens n’auront pas récupéré la leur».
Mohamed Larbi Bouguerra
**«Il est des morts qu’il faut tuer», l’expression est de l’écrivain et journaliste Fernand Desnoyers.