Au nom de Dieu et de tous ses saints
Ce n’est pas la première fois qu’un mausolée est profané et incendié en Tunisie. Et si les auteurs de ce genre de violations ont continué à le faire, c’est parce qu’ils n’ont jamais été inquiétés. La loi ne leur a jamais été appliquée. C’est ainsi que sans aucune crainte de représailles, une troupe de barbares, d’extrémistes religieux, incultes, a porté atteinte une nouvelle fois et de la manière la plus abjecte qui soit, à notre patrimoine culturel national. A Tunis, après Saida Manoubia et Sidi Abdelaziz, c’est Sidi Bou Said qui a été profané et détruit par le feu.
Le mausolée où repose Sidi Bou Said est bien plus qu’un lieu de recueillement, c’est une partie incontournable de notre histoire. L’édifice de ce saint homme qui règne par son aura depuis des siècles sur ce village est un monument de notre patrimoine national et religieux, un monument censé être intouchable. Le village qui l’abrite est un joyau de l’architecture arabe et andalouse etest classé patrimoine culturel international. Perchée sur une falaise, cette localité est aussi l’un des endroits les plus privilégiés de toute la Tunisie. En effet, au-delà des touristes venus du monde entier, attirés par la beauté de ce site enchanteur, des visiteurs de différentes religions s’y rendent afin de se recueillir sur ce sanctuaire renommé et pour profiter de la grâce qui irradie ce village mystique et mythique de Sidi Bou Said.
A 3 km de la ville fondée par les phéniciens en 814 avant J.C., ce monticule assurait à l’époque la défense de Carthage jusqu’au XIIe siècle. Depuis 1893, cette colline,que les phéniciens appelaient « le phare de Carthage »,est devenue Sidi Bou Said, du nom de son saint qui, comme IBN ARABI, prêchait un Islam d’universalité et de tolérance ; un Islam des lumières qui nous a guidé pendant des siècles.
Aujourd’hui, le peuple tunisien, fier de son histoire et de son héritage culturel, est menacé dans ce qu’il a de plus précieux : son identité et son histoire. Ce riche capital est menacé dans sonexistence. En incendiant la « Zaouia » de Sidi Bou Said,ils ont brulé tous les livres saints du Coran qui s’y trouvaient. Ces individus ne sont donc ni fous de Dieu ni de la religion ; Ce ne sont que des spécimens malfaisants se nourrissant de violence et ayanttrouvé la voie toute tracée pour perpétrer leur crimes.Malheureusement, ils bénéficient en prime d’une protection garantie par un bon nombre de personnages qui détiennent notre destin en otage. Après tout, a-t-on jamais vu les membres du parti islamiste au pouvoir s’indigner de tels agissements ? De plus, une timide condamnation de la part du gouvernement est totalement inefficace lorsqu’elle n’est pas suivie de l’application de la loi.Pourtant, n’est ce pas là des actes criminels qui doivent être punis par la loi ? Alors qu’ils se taisent ! Il faut dire que le ministre de la justice a déjà fort à faire avec le cas de Sami Fehri, ainsi que celui de jeunes adolescents qui s’embrassent en public, comme si ces derniers étaient les véritables dangers pour la société. Je préfère de loin voir Sami Fehri en liberté pour se consacrer à son talent dans les médias et voir des jeunes s’aimer et s’embrasser dans les rues, plutôt que de déplorer la destruction et la haine que sèment certains dont la place est, soit dans des prisons,soit dans des asiles psychiatriques.La justice des deux poids et deux mesures n’est plus justice.
Messieurs les ministres, pourquoi n’êtes vous pas envahis par la même colère que nous face à de telles violations et de tels débordements ? Ne sommes nous pas tous les enfants de ce même pays ? Messieurs les membres du gouvernement, qu’avez-vous donc fait de l’Etat ? L’avez-vous détruit aussi ?
Il n’y a de pire danger que celui de répandre la haine et la destruction au sein d’un même peuple. Il n’y a de pire danger que celui de vouloir nous délester de nos croyances et nous priver de nos repères. Les complices sont autant responsables que les auteurs. Une volonté commune et manifeste semble se forger pour détruire une deuxième fois Carthage. Il est donc temps d’envisager sérieusement de battre le pavé .
Latifa Moussa