L'incompréhension s'installe entre les structures des magistrats et le ministre
L’incompréhension semble de nouveau s’installer dans les rapports entre le ministre de la Justice et les deux structures représentatives du corps de la magistrature. L’une d’elles, en l’occurrence l’Association des magistrats tunisiens (AMT) devait d’ailleurs organiser, ce mercredi en milieu de journée, un sit in à l’Assemblée nationale constituante en signe de protestation contre « la détérioration de la situation de la magistrature et les retards accumulés pour la mise en place de l’instance provisoire censée se substituer au Conseil supérieur de la magistrature ».
Ce regain de crispation intervient après l’annonce faire par M. Noureddine Bhiri, selon laquelle un projet de loi « remanié » relatif à l’instance provisoire de la magistrature judiciaire était sur le point d’être de nouveau présentée à l’Assemblée. Un premier texte avait été rejeté par les députés pour des considérations de composition de l’instance, de modalités de nomination de ses membres et, surtout, de garanties d’indépendance.
Les éclaircissements et précisions données par le ministre, lundi dernier, lors de la séance de questions au gouvernement, n’ont visiblement pas réussi à vaincre les réserves et de l’association et du syndicat des magistrats qui, pour une fois, se retrouvent côte à côte dans la même tranchée. Comme le montrent leurs déclarations tranchées à divers médias, leurs responsables se disent d’autant plus déterminées à faire front qu’elles n’ont pas été consultées au sujet de la nouvelle mouture du texte recalé dans un premier temps. La présidente de l’association, Mme Kalthoum Kennou, tout comme la présidente du syndicat, Mme Raoudha Labidi, affirment l’une et l’autre n’avoir été contactées ni par la Troïka ni par le ministère de la Justice au sujet des modifications envisagées pour le projet de loi relatif à l’Instance provisoire de la magistrature judiciaire. Or, soutiennent-elles, l’article 22 de la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics dispose que les magistrats doivent être consultés préalablement concernant tous les textes relatif à la magistrature.
L’une et l’autre tiennent aussi à ce que cette instance soit réellement indépendante des pouvoirs exécutif et législatif et donc, dotée d’une réelle autonomie administrative et financière.
L’autre point de convergence entre les deux structures représentatives est que l’une et l’autre récusent par principe toutes les décisions prises autoritairement par le ministre de la Justice depuis la mise en veilleuse « de facto » du Conseil supérieur de la magistrature, qu’il s’agisse de nomination de magistrats à des postes fonctionnels, de mouvement dans le corps de la magistrature ou, même, de révocation d’un certain nombre de juges. M. Noureddine Bhiri a beau plaider la bonne foi et assurer n’avoir agi de la sorte que pour parer au vide institutionnel. Ses propos n’ont encore pas réussi à décrisper le débat sur un sujet aussi sensible, encore moins à mettre fin au dialogue de sourds qui persiste entre les deux parties.