Opinions - 13.05.2009

«Combien gagnez-vous?»

Avec la saison des assemblées générales, les PDG ne dorment plus, tellement ils sont angoissés par les questions qui les attendent. Le José Bové de la Bourse et autres journaleux sont à l’affût. Premier à dégainer, ce fameux actionnaire qui se proclame porte-parole des petits porteurs. « Oui, s’écrie-t-il, dans son fameux numéro, mi-intimidant, mi-invectif : l’eau qui est sur la table est la nôtre ». Puis, il s’avance vers la tribune dans un silence religieux qui tient la salle en haleine, prend la bouteille, s’en sert un verre qu’il avale d’un seul coup, comme pour se donner des forces.

Du fond de la salle, le maigrichon de service, ni actionnaire, ni mandaté, s’élance, le doigt accusateur: "pourriez-vous nous déclarer votre salaire ? Combien  touchez-vous, au juste ?». Le pauvre PDG marmonne : juste 5000 D et une Polo de fonction ! » Oh ! s’élève la salle en choeur ! « Oui, renchérit le re-pauvre Patron. Mais, j’ai fait gagner à l’entreprise tant de milliards, éviter tant de catastrophes, lancé le cours de l’action sur les fonts baptismaux, séduit la bourse, gagné la confiance des petits porteurs, convaincu les analystes financiers et rallié les salariés».

Un mauvais procès

"Et alors, réplique José Bové-la-Bourse ?" Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’une semaine durant, il avait assiégé le Directeur Financier pour quémander un petit "plus" pour lui, juste un petit cadeau, pour ne pas faire de grabuge lors de l’AGO ou réclamer un siège d’administrateur. Face à la résistance, il accroît son harcèlement, faisant monter les enchères, haussant le ton, et brandissant toutes les menaces... qu'il finit par mettre à exécution. En public.

Et le "mauvais" procès commence: « Que vous ont apporté vos nouveaux actionnaires étrangers? Rien ! Ils vous ont pillé et nous avec ! Comment le Conseil d’Administration ose-t-il entériner pareille convention ? Offrir en cadeau 60 000 euros pour un système informatique alors que les Tunisiens sont les As des TICs ? C’est débile ! Il y a des mabouls parmi nous ! »

L’inquisition n’a plus de fin. L’extrême droite conservatrice la plus égoïste n’avait jamais tenu pareil langage dans le monde. « Oui, vous bradez l’entreprise, vos distribuez les cadeaux ! » Il ne manquait plus que « Otez-vous que je m’ mette !»

Le soir même, internet oblige, c’est sur la toile, consultable de Fidji au pôle Nord ! Vous êtes foutu, grand chef, discrédité !

Misère des agitateurs, misère des boursicotiers, misère des gazetiers ! Je ne supporte pas. Jamais je n’irai en bourse, jamais je ne recevrai ces gazetiers, jamais je ne serais PDG.

Yallah. Heureusement, qu’il n’y a pas que ça dans la vie. Entrepreneur je suis, entrepreneur courageux, ambitieux et visionnaire je serai toujours. N’en déplaise à José-Bové-La-Bourse et ses acolytes gazetiers…
 

ABM