Opinions - 01.04.2009

Crise: l'analyse de Chedly Ayari

Invité par les chefs scouts tunisiens à leur livrer son analyse de la crise économique et financière mondiales, ses causes et ses conséquences, le professeur Chedly Ayari s’est acquitté de cette « bonne action » avec son talent coutumier. D’ailleurs, l’ancien Premier Ministre, M. Hédi Baccouche, présent en tant qu’ancien scout n’a pas manque de l’en féliciter chaleureusement. Résumé, pour Leaders, par le Chef Scout Hammadi Salah Ben Hassine.

Au cours de la quatrième rencontre des anciens et amis  scouts en Tunisie, ayant eu lieu du 14 au 16 mars 2009 à Hammamet, les participants (au nombre de 400) ont assisté avec intérêt à une conférence présentée par M. Chedly Ayari (ancien ministre). D’après son analyse, la crise financière et économique mondiale qui sévit actuellement dure depuis deux ans environ, et n’en finit pas d’empirer, est la plus grave depuis la Grande Dépression de 1929. Elle a provoqué des modifications géopolitiques  importantes (ainsi les USA ne détiennent plus la prédominance du pouvoir économique planétaire) ; et les pertes  globales subies par tous les pays concernés dépassent actuellement les 1000 milliards de dollars.

Au départ, la politique monétaire américaine, notamment durant la période entre 2001 et 2006, reposait sur l’abondance de l’argent bon marché, ce qui a favorisé la distribution aisée des crédits bancaires permettant l’acquisition de divers actifs (ex : immobiliers résidentiels-bourse, etc.). Cela a favorisé l’endettement des ménages au-delà des limites raisonnables. A cela s’est ajoutée l’intervention des spéculateurs dont le but n’était pas d’acquérir des actifs, mais de les acheter (à crédit) pour les revendre ensuite plus chers en profitant de la hausse des prix, réalisant ainsi des bénéfices, et ceux qui achètent ces actifs agissent aussi de la même manière et ainsi de suite. Notons que les prêts hypothécaires ont été ensuite transformés en titres sur le marché financier.

Au moment où la FED a relevé ses taux directeurs pour raison de politique monétaire interne, la majorité des clients à risque s’est trouvée dans l’incapacité de rembourser les échéances des crédits. Cette situation a provoqué la dégradation des structures financières de nombreux établissements spécialisés dans les crédits hypothécaires. D’une crise locale (subprimes: été 2007) se rapportant à un secteur limité au départ, elle s’est propagée comme une épidémie, provoquant la rareté des liquidités et la paralysie du marché monétaire ; cela a créé la perte de confiance entre les banques, dont certaines ont fait faillite ou achetées par d’autres (Leehman-Brothers. Merrill Lynch…). Progressivement, ces difficultés ont été exportées vers l’Europe.

Les Banques Centrales sont alors intervenues en offrant leurs contre  garanties pour les crédits interbancaires ce qui a permis d’éviter la crise de liquidité, et les Gouvernements ont de leur coté procédé à la recapitalisation ou la nationalisation des banques en difficultés permettant ainsi d’atténuer la crise de solvabilité. Il est à remarquer que sans ces interventions prises massivement d’une façon rapide et cohérente, nous aurions assisté à l’effondrement du système bancaire et à un scénario catastrophe comme celui qu’a connu l’Islande.

Cependant la restriction du crédit demeure réelle, car compte tenu des règles prudentielles les banques sont tenues de respecter un certain ratio de fonds propres, et comme dans ces fonds propres il ya les actifs qui ont perdu jusqu’à 50% de leur valeur suite à la crise, les banques se sont trouvées  contraintes de restreindre leurs crédits (crédit- crunch). Ainsi les Entreprises ne pouvant obtenir de crédits bancaires pour financer leurs cycles de production ou leurs investissements, se retrouvent en difficulté entrainant la baisse de leurs actifs dont une partie est détenue par les banques, celles-ci sont de ce fait encore obligées de restreindre leurs crédits et ainsi de suite.

On assistera alors à une dégradation de la situation économique mondiale, la détérioration des marchés financiers internationaux avec la découverte d’opérations d’escroqueries (B. Madoff), et des répercussions plus dramatiques avec de nombreux licenciements de salariés. Les prévisions du FMI tablent sur une croissance économique mondiale négative (Europe : moins 3%--USA : moins 2,50%--Japon : moins 5). Divers plans de relance économique nationaux ont été préconisés sans grand succès. Aussi, le 2 Avril 2009, les pays du G 20 devaient se réunir à Londres en vue, d’une part, évaluer les pertes subies suite à cette crise et d’autre part, décider des nouvelles mesures radicales comportant un programme mondial de sauvetage.

 En Tunisie, l’impact de cette crise n’aura pas été pour le moment très  important et ce, grâce à des fondamentaux sains, un système bancaire réglementé et immunisé contre les effets pervers, une activité boursière saine et reposant sur le facteur confiance. Ce jugement favorable a été confirmé par les dernières déclarations du Prix Nobel de l’économie (2004) M. Edward Prescott lors de sa récente visite dans notre pays. Cependant un seul handicap peut subsister concernant le domaine des exportations (secteurs des industries électromécaniques et mécaniques-des textiles- habillement, et du tourisme). L’important et d’en réduire au minimum les effets et ce grâce aux différentes mesures de soutien d’ordre structurel et conjoncturel.

A la fin de cette conférence, M. Hédi Baccouche, présent en sa qualité de Chef de l’Union Arabe des Anciens Scouts, a félicité M. Chedly Ayari  au nom des participants, soulignant que cette initiative entre dans le cadre du programme de formation en matière de culture générale dont bénéficie la grande famille du mouvement scout.   

BEN HASSINE SALAH (Hamadi)
Sidi-Rezig