News - 24.10.2008

L'essence baissera-t-elle à la pompe ?

Chutant de 146 $ le baril à moins de 100$, le prix du pétrole continue à être subventionné en Tunisie. Pourra-t-il baisser ? Explications du Ministre des Finances à l’Economiste Maghrébin.

Maintenant que le prix du baril de pétrole, après avoir flambé cet été à 146$, et redescendu à moins de 100 $, pourquoi ne pas répercuter cette baisse sur les prix des carburants à la pompe ? L’interrogation revient souvent dans la bouche des automobilistes dans le monde, mais aussi en Tunisie. Vérité des prix à la hausse, et vérité des prix à la baisse : est-ce faisable ? L’explication vient d’être fournie par M. Mohamed Rachid Kechiche, ministre des Finances, dans une interview exclusive accordée à notre confrère L’Economiste Maghrébin (www.leconomiste.com.tn ). Rigoureux, grand travailleur et toujours pertinent dans ses analyses, le ministre Kechiche se livre très rarement à la presse, en dehors de ses interventions publiques toujours soignées, mais souvent noyées dans l’actualité. C’est pourquoi  l’interview annuelle à notre confrère Hédi Mechri bénéficie d’un intérêt particulier.

 Pour bien comprendre les enjeux, il faut rappeler le poids de la compensation qui obère le budget public tant pour les produits céréaliers et de base que pour le pétrole. Cette rubrique est proposée à la hausse pour l’année 2009 et mérite éclaircissement.
« En fait,  indique le Ministre, les subventions prévues en 2009 sont à comparer non pas aux montants initiaux prévus dans le budget 2008 mais aux niveaux actualisés et qui seront consacrés, comme vous le savez, par une loi des finances complémentaire. Les subventions directes effectives pour 2008 seront de l’ordre de 1900 millions de dinars (1050 millions de dinars pour la Caisse de compensation – produits de base et 800 millions de dinars pour la compensation du pétrole). Ceci n’est que le résultat inéluctable de l’envolée sans précédent des prix durant l’année en cours. Vous mesurez quand même l’effort considérable du budget de l’Etat pour sauvegarder le pouvoir d’achat du citoyen. »
 
Une baisse au goût amer si elle est liée à des anticipations de récession mondiale
 
« En 2009,  ajoute M. Kechiche, les subventions seront très élevées, de l’ordre de 1500 millions de dinars, même si elles s’inscrivent quand même en baisse, comparé au niveau initial de 2008. Cette baisse, rappelle-t-il,  prévisible mais pas forcément certaine du prix du baril de pétrole a quand même un goût amer si elle se trouve uniquement liée à des anticipations de récession mondiale. On aurait aimé un prix raisonnable de 70$ mais dans un climat de croissance, encore que même avec ce risque de récession, on veut, du côté des producteurs, rétrécir l’offre de pétrole pour maintenir des prix «  rémunérateurs».
 
« C’est pour cela qu’il faut rester prudent et c’est pour cela que les prévisions pour le budget de l’Etat ont quand même retenu un prix du baril à 90$ avec un $ à 1D,350 millimes, ce qui donne un coût en dinars (c’est ce qui compte pour le Budget de l’Etat) de 122 dinars, en baisse de 8% par rapport au coût moyen du baril attendu pour 2008 qui sera de l’ordre de 132 dinars… »
 
Comment peut-on baisser les prix déjà subventionné ?
 
Répondant à une question sur la baisse des prix intérieurs, la réponse est claire : « la situation est instable sur les marchés internationaux. Souvenez vous, d’une chose, le dernier ajustement des prix intérieurs n’a été fait que lorsqu’il était devenu évident que les prix ont atteint un seuil intolérable pour notre économie. Ce n’était pas une réponse au niveau de 146 $ atteint en juillet dernier car l’ajustement devenait nécessaire à partir de 120 $ et encore avec un taux de change faible du $ soit 1,17 contre 1,30 actuellement. C’est cette réaction décalée qui nous distingue de la politique d’indexation automatique. La preuve est   évidente, puisque malgré une baisse des prix du baril à partir de septembre 2008, la moyenne annuelle pour 2008 s’inscrit nettement en hausse par rapport aux prévisions initiales et impose un réajustement des subventions à un niveau double soit 800 millions de dinars au lieu de 400 MD prévus initialement. Même si l’augmentation des prix apporte une amélioration des recettes fiscales pétrolières, cette amélioration est toutefois inférieure à l’augmentation de la subvention, l’impact net étant, comme vous le savez, négatif. »
 
« Toute personne censée ne saurait comprendre comment on peut actuellement baisser les prix intérieurs alors que la subvention directe existe toujours et affirme sa présence avec force (650 millions de dinars pour 2009) sachant qu’un ajustement à la baisse de 30 millimes par litre nécessite l’augmentation de la subvention directe de l’ordre de 120 millions de dinars, soit une pression supplémentaire sur le budget de l’Etat.
 
Mais, l’interrogation du Ministre des Finances est compréhensible : « Où peut-on les trouver ces 120 millions de dinars et d’où peut-on les déduire, à un moment où tous nos moyens doivent être orientés vers le soutien de la croissance et le maintien d’un rythme d’investissement public compatible avec nos objectifs en la matière? A moins de s’endetter davantage et dépasser le niveau jusque-là maîtrisé de notre déficit budgétaire de 3%. »
 
La conclusion est nette : « Cela mérite bien réflexion et compréhension. »
 

Pour en savoir plus : le texte intégral de l’interview : http://www.leaders.com.tn/article.php?aid=71