News - 27.04.2024

La Nature dans l’art, image et matière, de Khélil Gouia: Mettre en évidence avérée une pratique artistique réelle et rendue historique… Saisir un Art Contemporain liée aux enjeux écologiques

La Nature dans l’art, image et matière, de Khélil Gouia: Mettre en évidence avérée une pratique artistique réelle et rendue historique… Saisir un Art Contemporain liée aux enjeux écologiques

Par Bernard Troude - La Nature dans l’art, image et matière, est un ouvrage publié aux éditions internationales de l’Harmattan, Paris, 18 avril 2024. L’auteur Khélil Gouia, plasticien et philosophe, est professeur en Sciences de l’art à l'Université de Sfax (ISAMS). Cet ouvrage, est préfacé par Dominique Château, philosophe français, professeur émérite à la Sorbonne.

L’ensemble du texte d’environ 300 pages développe un accès à la poïétique comme reçu de chez Paul Valery (1937) René Passeron, Rachida Triki, Richard Conte, Edmond Nogacki et bien d’autres (depuis 1989 et 1990 à Paris et à Carthage), ou encore plus spécifiquement de Tynianov qui traduit ce qui se voit en ce qui se voit ou ce qui se lit en ce qui se lit… Comme elle est une science humaine, la poïétique étudie une action, une démarche de création, durant le temps de son déroulement. Elle concerne, également, «les conditions de génération d’une œuvre d’art». D’ailleurs, la poïèsis, chez Platon, se définit comme «la cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l’être» (Le Banquet, 205 b). Ce qui est proposé ici dans cet ouvrage ne peut être «qu’une traduction artistique de la nature» mais une « vision réelle de ce qui se joue dans la nature avec la nature». Et si cette idée du voir ne vous apparaît pas convaincante ou adéquate sur tel ou tel point, tout lecteur reste libre, et peut-être tenu de rectifier, améliorer, «retraduire» à sa façon cette vision artistique de la nature. Sommes-nous dans la Nature normative ou dans cette Nature vue dans les salons ?Au préalable à la lecture de ce livre du professeur Khelil Gouia, il faut s’interpeler sur les deux coexistences des types de discours sur la Nature évoquées par Diderot et Rousseau. Le premier, souvenez-vous, est essentiellement théorique et entend faire de son sujet une invocation normative et régulatrice alors que le second est plutôt littéraire et rend compte d’une expérience subjective dans laquelle l’opinion admise partagée, prévalant encore actuellement, vise à l’identification d’une émergence de cette nouvelle perception, amplement occultée des préalables antérieurs. Il est démontré ici, tout particulièrement ce qui est issu de la période dite classique, les visions dédiées à l’esprit géométral et s’obligeant aux dimensions des perspectives rectilignes montrées par une incarnation excessive de l’anti-nature que sont devenus les jardins dits‘’ à la française’’. Sans trop s’introduire dans le débat concernant la naturalité ou l’historicité du sentiment de la Nature, je commencerai par invoquer la doctrine normative pour tâcher de montrer plus avant que le site sur lequel s’enracine chez l’auteur un tel sentiment n’est pas la nature in quanto sè mais l’œuvre d’art, singulièrement la peinture dont il se fait le scrutateur passionné dans ses fameux tableaux. Ce n’est pas la convocation constante de cette Nature, voire son incantation qui font l’originalité de cet artiste-philosophe.

Nombre d’auteurs depuis les grecs anciens (comme d’ailleurs ceux des siècles suivants) n’ont cessé d’en appeler à la Nature comme à une instance autoritaire, que ce soit en matière d’esthétique ou même de spiritualité, de verticalité ou ‘’d’horizontalité sociale’’. Sur ce point, les études menée sont montré et affirmé toutes les lumières intéressantes. Dès les premières parties, le terme de Nature est doté d’une lecture polysémique telle que cela rend dérisoire toute tentative de saisie globale ou unitaire. Le mode de création face à la Nature vient à s’expliquer dans les différents aspects connus et exploités par l’artiste-professeur.

Dès le premier chapitre, les travaux personnels nous emmènent dans cette implication de l'Art avec la Nature dans les nouveaux exposés d’un jugement de l'histoire de l'art en postmodernité. Il en va aussi intensément dans ces situations d’un renouveau dans une conciliation entre la Natura de Lucrèce et nos dévouements par les émotions à fonder des intuitions pressenties et futuristes ayant cet attrait à nos Vies sur Terre-Nature. En lecture précise des premières pages, nous nous éduquons sur les expériences en Land-Art, cet Art in-situ dans les grottes à Haouaria au Cap-Bon de Tunisie, cette Nature scientifiquement méditerranéenne composée avec les aspects d’un territoire riche en facteurs environnementaux qu’ils soient maritimes ou rocailleux, et une forme macrobiotique de l’existence plante-animale, ainsi qu’en matière Nature d’énergies telle que les vents et les soleils. Voilà des démarches de recherches abouties et en cours d'ouverture à des suites inattendues racontées en un langage fourni en termes artistiques et scientifiques.Dans le second chapitre, il s’agit pour l’auteur-artiste Khelil Gouia d’avoir pu établir une pratique du beau en exploitant les matériaux adéquats en conformité avec une pensée poétique reliant une pensée technique. Tous les champs inspirant de ses systèmes artistiques constituent une pratique annoncée dans des secteurs symboliquement naturels avec les transferts d’élément des écosystèmes dans les cadres ouverts. La lecture de ce texte offre des visions poétiques expérimentales avec les sujets in-vitro depuis la vision directe – in-visu – composant une épigramme botanique reliant toutes les problématiques contemporaines allant de la nature des matériaux à l’exploitation de ces matériaux existant, établissant les chemins de rencontre Art et Nature.

Dans le troisième chapitre, Khélil Gouia fait émerger de ces chemins du beau cette reconsidération des rapports à l'image que nous possédons aujourd'hui et cette relation au précepte des éléments du vivant, quel qu’il soit, devenant les indices d’un Art nature. Le profit immédiat de nos Arts contemporains, ayant défait toutes formes d’intermédiarité entre le fait naturel donnant issu à l’acte artistique, nous amène à retrouver un concept de Vie dans toute œuvre perpétrant la capacité à accéder aux actes constitutifs essentiels. À cet instant, nous assistons à l’évidence de cet art premier qui continue à réactiver tout le mouvement de création dans le cœur même des évolutions naturelles singulières.

L’art, évidence de toutes les cultures, tente maintenant son ouverture vers ses avenirs dans les contextes naturels en y mêlant par accouplement son précepte biotique. En fait et à la lecture de ces lignes, il est compris que ces éléments systémiques sont pour résister et contrecarrer une difficulté de nos esthétiques contemporaines et palier à un seuil des résolutions ressaisi par les évolutions indécises de la postmodernité. Dans ces bords d’une poïétique établie de ses Arts, Khélil Gouia nous fait cette interrogation précise sur l'importance de la combinaison dimensionnelle de nos espace-temps dans tout entendement d’un chemin de l’Art, dans sa fonctionnalité matérielle ainsi que dans l'image imaginée comme a pu la définir Rosalind Krauss mais également Husserl ou Sartre suiveur du précurseur de l’image mentale Gaston Bachelard. L’image perçue dans cet art contemporain n’est pas simplement une imitation de la Nature, ni même en conception face à elle une rivalité, mais possède plutôt ce lien de similitude ontologique.

Le sujet paraît difficile, car il se conçoit fréquemment et probablement sans contredit que l'image reste un produit de nos imaginations. D'ailleurs, le sujet ici traité par l’auteur intègre cet abord, puisqu’il nous est demandé au regard de l’œuvre affichée si l'image pourrait ou non entrer en contradiction avec l'imagination; cela présuppose un concept pas très "Nature". L'image apportée est certes aussi le produit de l'imagination artistique, issu de l'image mentale, mais s'en détache cependant, par sa matérialisation voulue par l’Art et la personne de l’Art même en un contenu visuel et/ou sonore, pour finir le cas échéant par en être éloigné. Or, cette indépendance obtenue pourrait bien se renvoyer, au moins temporairement, vers un antagonisme, voire en une contestation, tel un descendant – être ou animal et pourquoi pas plante – face aux adultes de sa génération précédente Nature.

C’est en cette vision neurale que la pratique artistique de l’auteur montre et se définit qu’il ne peut y avoir un Art sans cette (re)considération de la Nature comme idéologie perceptive vitale. Delà, de ces écrits, il faut admettre leurs véritables portées écologiques. Dans son ouvrage, l’auteur explique et démontre que percevoir puis voir, raisonner et indiquer dans quel rythme tout le processus naturel s’est poursuivi au sein de ses recherches et constatations et que l'œuvre grâce au processus de son pouvoir de création admettant de telles caractéristiques génériques sont proposées issues de son habitude artistique approfondie.
Cet art appliqué est engendré comme une intention de l’événement complété de l'action vécue. A pu s’ouvrir le tracé d’une voie afin d’identifier l’apport d’une forme de phénoménologie dans l’art et (ré) inclure la fonction ‘’image imaginante’’ contre une représentation bachelardienne de l’Histoire image émise en histoire des arts. Car il faut, comme l’a souvent répété M. Merleau-Ponty, «se détourner de l’Histoire autant que de l’individu pour laisser l’artiste face à lui-même et face à la nature.»

G. Bachelard lui-même a repris l’image en ces termes: «Comme beaucoup de problèmes psychologiques, les recherches sur l’imagination sont troublées par la fausse lumière de l’étymologie. On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images.» Avouons que s’il n’existe pas ce changement d’images, union inattendue des images renouvelées chaque matin comme dans le Land-Art, s’il n’y a pas imagination en continu, vous ne comprendrez pas vos personnelles actions imaginantes. Est raconté dans ce volume que si une image présente ne vous fait pas penser à une image déjà ou future absente ou encore si une représentation occasionnelle ne conduit pas vers une libéralité d’images extravagantes voire illogiques, vers une explosion de symboles imaginés, vous ne pouvez pas comprendre l’image imaginante, en réalité votre imagination. Sont à mêler la perception et le souvenir d’une perception, ou encore la mémoire familière vous confortant dans les habitudes de certaines couleurs préférées et les formes adjacentes.

La difficulté de cette matière artistique posée ici dans ce texte touche donc essentiellement à l'accès duelle de l'image comme à celle de l'imagination; et elle postule que leur rapport de force, peut être normal et exprimé par l'infériorité d'essence de l'image matérialisée par rapport à sa source spirituelle, peut s’inverser en une puissance prépondérante de notre imagination par l'image vue: alors le fait de ce qui est en éliminant et contredisant une forme de droit qui ‘’devrait être’’ et une aspiration qualitative de ce qui est imaginé serait équilibrée par la force quantitative, qui est justement celle des connaissances moyennes ou faibles. Sans nul doute sur ce dernier sujet, nous faut-il, afin d’organiser nos idées, débuter par une remarque bidirectionnelle: tout accès en réfutation de l'image vue avec notre imagination peut être soit droit et déterminé ou soit allusive et inconsciente. Voilà deux indices de recherche hétérogènes, mais concourantes, étant plus énergisantes de toute manière pour la réfraction plutôt que toute repartie infirmée sur ce sujet, qui se prononce pour l’ordinaire et nous convaincra uniquement sur un régularité conceptuelle fondamentale quant à spécifier le problème ‘’image et imaginante’’, cette inclusion mentale et ce contenu matérialisé de l'image.
Dans ces textes, l’auteur expose en sous-main l’interrogation à savoir de quelles luttes internes, acceptées ou dissimulées, et en tout cas inattendues, pourrait s'avérer porteur l'imaginaire qui semble de prime abord une alliance heureuse de l’assemblage imagination et images ? C'est ce qui aura été tiré au clair. Cette analogie «Art-Natura», en référence à Lucrèce cette fois encore, est conçue dans la vision éclairée d’une authentique appropriation de l’objet Nature et d’une prescription dans nos intentions d’esprit ainsi que dans nos savoir-faire en Art contemporain maintenant ‘’nouveau’’; c’est-à-dire en ce que nous serons capables de penser et d’agir.Il est notoirement fondamental que ses systèmes s’opposent aux légendes dont celles des arts, de tous les arts, plus celles de l'humain pour son évolution en «événement» dans la Prose du Monde de M. Merleau-Ponty. En effet, «c’est l’opération expressive du corps, commencée par la moindre perception, qui s’amplifie en peinture et en art. Le champ des significations picturales est ouvert depuis qu’un homme a paru dans le monde.» L’Art nouveau, Land-art, est ainsi engendré comme étant un « surcroît de perception » ou même une «croissance du regard humain» et augmentant le processus de création; c'est-à-dire vu ici comme une prorogation de l’exercice de la perception imaginée. À l’égard de ces créations ainsi comprises entre l’idée Nature et le résultat de ladite Nature, il nous parait indispensable de discriminer le capital artistique convoqué en la confection de l’œuvre du capital émotionnel et esthétique soit l’admission neurale de l’œuvre. Mais aussi, l’opportunité est ouverte afin de tracer une ligne directe unissant ladite Intention de création chez les artistes à l’Attention cognitive repérée chez les chercheurs cartésiens des sciences. Nécessité fait loi dans une interdisciplinarité ouvrant à des connaissances multiples.

En fait, le thème du naturel dans l’écrit n’est pas pour démontrer que l’art Nature est un matériau élémentaire ou seulement une primitive représentation comme en attestent les approches des ‘’matiéristes et minimalistes’’… Cependant il est plutôt une démonstration de la Vie par l’objet brut et l’esprit inventif qui, en s’additionnant l’un à l’autre, vont aller conjointement dans la perspective d’une œuvre «émouvante» et «passionnante» capable de promouvoir chez le spectateur la notion d’une cadence vitaliste dans l’exposé esthético-biologique des options formelles. Dans cette harmonie, il est devenu clair que seule cette dynamique artistique conçue avec la capacité d’un maintien efficient dans nos relations avec la Nature. La démonstration de ces options ne peut avoir de conséquence qu’en évoquant une restauration évolutive des liaisons Humain-Nature ou Nature-Humain s’éloignant de la technique et des idées préconçues – politiques ou écologies hasardeuses ou rhétoriques superficielles – introduisant une idée fondamentale exhibant l’ART, le Land-Art, se présentant comme étant la tentative d’une récupération des essences ontologiques de tout Être naturel tant dans son unité, sa durée et surtout sa dynamique vers une transformation spécifique des esprits créateurs. Rappel à une unité innée en ce rapport interactif entre sujet/objet/Nature. Comment prévoir et encore plus déterminant comment le démontrer ?
Faisant référence à la préface de Dominique Château, acceptons les notions d’une certaine génération de dame Nature, donnant à imaginer et dérivant des savoir-faire de l’auteur Khelil Gouia qui a su mêler sa philosophie, sa pratique artistique avec une forme poïétique dans sa conception des Sciences de l’art mêlées aux sciences sociales et humaines.«L’écart entre la nature et l’art est une promesse de créativité. L’artiste s’émancipe et offre de nouvelles perspectives. Mais il manifeste en même temps un grand respect envers cet appui fécond.»

Sachons repérer que les passe-temps du flâneur se sont convertis en satisfactions de créateur qui, par son mouvement même et son concept écosystémique, renvoie sa vénération à «l’arrière-fond inspirant» de la nature devenu «corps de l’œuvre» …» Quant à se propager dans un discours combattif, la démonstration de l’art de Khélil Gouia insiste sur les différentes et multiples écologies contenues dans les résultats artistiques des recherches, des visions immédiates, sans aucun renoncement à un savoir-faire harmonieux insérant la faculté poïétique et poétique. La Nature est, pour ce philosophe-artiste, une fermentation résonnante et un périmètre olympien.

Le livre de l’auteur-artiste Khélil Gouia se présente comme une source de ce qui se désigne aujourd’hui comme un rendez-vous en ‘’recherche-création’’ ou en ‘’création-recherche’’. Quand un artiste depuis son œuvre joint dans un même élan, la pensée et la réflexion technique, sur son capital de causalité, l’Art, son Art, se démontre ainsi formulée en préface par Dominique Château, ce professeur émérite en Sorbonne: «la formule est simpliste, mais parlante, car ce qui rend intéressant, passionnant, le résultat de cette posture c’est que ce qu’elle généralise (…) fait écho à une pratique réelle, concrète et historicisée.»

Bernard Troude
 

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