News - 18.09.2023

Arselène Ben Farhat: Je suis le Musée National du Bardo, le bonheur d’une réouverture (Album photos)

Arselène Ben Farhat: Je suis le Musée National du Bardo, le bonheur d’une réouverture

Deux ans après ma fermeture en juillet 2021, je suis enfin réouvert! Quel bonheur pour moi de retrouver de nouveau les longues files de Tunisiens et de touristes qui viennent le matin et qui attendent patiemment l’ouverture de mes portes! J’éprouve une intense joie quand je vois les salles vides se remplir de gens de différents âges, les galeries sombres baignées de lumière et les couloirs taciturnes envahis de murmures, d’éclats de voix et de rire.

Ah mes amis, est-ce que je suis en train de rêver? Oui, tout parait magnifique autour de moi! De nouveaux départements ont été créés. Plusieurs espaces ont été aménagés pour accueillir des collections de mosaïques et des manuscrits islamiques. Certaines pièces de valeur mal placées ont été déplacées et exhibées à des endroits susceptibles d’attirer l’attention du public. Plusieurs salles et galerie sont été agrandies pour assurer l’exposition de nouvelles œuvres et accueillir aisément un nombre croissant de visiteurs intéressés par le patrimoine tunisien.

Il est donc clair que les deux années de fermeture n’ont pas été du temps perdu, mais des moments de maintenance, d’entretien et d’extension des lieux ainsi que de conservation des productions muséales.

Madame Fatma Naït Yghil, directrice du musée depuis 2018, a exprimé sa satisfaction et sa fierté du travail accompli par tous les membres de l’équipe qu’elle a dirigée. Ainsi les responsables des différents départements, les techniciens, les assistants scientifiques et les agents administratif sont fait de grands efforts en déployant, malgré les nombreux obstacles, leur savoir et leur savoir-faire afin de restaurer soigneusement tous les objets et toutes les pièces archéologiques et d’effectuer des travaux de rénovation de l’institution muséale.

Tous les objectifs du programme de réhabilitation du musée ont été atteints selon Madame Fatma Naït Yghil. La réouverture du musée a été une grande fête originale. Elle a permis au palais beylical du Bardo d’être le symbole de toutes les étapes de l’histoire de la Tunisie et en même un décor chargé de vie et de vitalité à travers les fresques murales, les mosaïques et les objets archéologiques. Cette fête a commencé dès le mercredi soir 13 septembre 2023 sous forme d’une grande cérémonie officielle présidée par la Ministre des Affaires Culturelles, Hayet Ketat. Elle a été organisée au cœur du Musée National du Bardo en présence de nombreux diplomates étrangers accrédités à Tunis et de plusieurs responsables des organismes et instituts culturels tunisiens. Dans son discours, la Ministre des Affaires Culturelles, Madame Hayet Ketat a remercié les ambassadeurs et les chefs de mission diplomatique pour leur présence, leurs encouragements et leur soutien. Elle a également indiqué que les travaux effectués étaient nécessaires et qu’ils ont exigé non seulement du temps et beaucoup d’efforts, mais également une mobilisation permanente du personnel administratif et technique. Cela a été confirmé par la directrice du musée, Madame Fatma Naït Yghil lors de sa prise de parole. Selon elle, les travaux effectués ont visé à la fois la conservation et la réhabilitation des collections de mosaïques et des objets archéologiques, mais également la consolidation des bâtiments dont certains sont construits au XIX e siècle.

Il s’agit donc d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle, une vraie fête grandiose dominée par l’état d’émotion et de joie du personnel du musée qui s’est totalement mobilisé et qui a consacré toute son énergie et tout son temps pour assurer la réussite de ma rénovation et de ma restructuration à l’image des grands musées du XXI e siècle. Pas question de lésiner sur les moyens. Le pari a été quasiment gagné lors de ma réouverture au public qui a eu lieu le 14 septembre 2023 à la veille de la rentrée scolaire. J’ai pu éblouir tous les visiteurs et tous les journalistes et susciter leur curiosité. Cela n’est pas vraiment étonnant puisque je suis l’un des musées les plus importants dans la région méditerranéenne. Je suis le deuxième musée d’Afrique après celui d’Egypte et ma renommée internationale est le fruit des efforts des archéologues, des historiens et des chercheurs tunisiens et étrangers qui ont mené des fouilles partout en Tunisie et ont pu trouver un trésor qui appartient non seulement aux Tunisiens, mais également à tous les habitants de la planète.

Grâce à ce travail collectif et cet effort permanent, le résultat est saisissant: j’abrite en mon sein les plus belles, les plus rares et importantes collections mosaïques au monde: le charme de ces œuvres est renforcé par une scénographie bouleversante. Dans mes différentes salles, vous trouvez aussi des statues en bronze et en marbre représentant des divinités, des empereurs, des artistes, ainsi que des bustes, des masques grimaçants, des amulettes variées, des objets usuels, des colliers et de somptueux bijoux, des pièces de monnaies, des objets de culte, des stèles. Des pièces rares et précieuses sont exposées dans le département islamique, il s’agit du célèbre manuscrit du «Coran bleu de Kairouan» qui est daté de la fin du IX e siècle et du début du X e siècle et qui est calligraphié sur du vélin teint en bleu avec de l’indigo. Vous trouvez également dans ce département des céramiques des différentes époques islamiques, des armes, des poteries, des instruments de musique, du bois sculpté et peint, des œuvres liées à l’art de la fabrication de pâte de verre et l’utilisation de colorants et bien d’autre objets datant des diverses dynasties qui ont dominé les pays du Maghreb.

En fait, ce sont plus de 8000 pièces  qui sont exposées et qui sont réparties selon un ordre historique soigneusement établi. Mais, comment mes visiteurs peuvent-ils comprendre mon architecture si complexe? Comment peuvent-ils se promener sans se perdre dans mes labyrinthes qui couvrent plus de 3000 ans? Comment identifier un itinéraire cohérent? Comment s’orienter dans les méandres de mes couloirs et des galeries et des différents étages? A vrai dire rien n’a été laissé au hasard. Quand vous pénétrez dans mon espace, vous êtes conduit à vous déplacer d’une salle à une autre et d’une galerie à une autre et votre déplacement dans l’espace devient un magnifique voyage dans le temps préhistorique et historique. En ce sens, de salle en salle, vous allez parcourir aisément les diverses étapes de l’histoire de la Tunisie, à travers toutes les richesses, les objets et les pièces archéologiques que vous trouvez dans chacune de mes salles: la période punique libyenne, la période romaine et paléochrétienne et la période islamique qui s’étend jusqu’à aujourd’hui.

Le plus fascinant dans votre voyage à l’intérieur de mes salles, c’est que vous n’allez pas découvrir uniquement des objets archéologiques ou des pièces précieuses mais vous allez être projetés chez les familles de ces gens des époques si anciennes. Mieux encore j’arrive grâce aux mosaïques, à représenter des scènes de la vie quotidienne des Romains.  A titre d’exemple, «la mosaïque du seigneur Julius» qui est datée de la fin du IVe siècle et qui a été trouvée au site archéologique de Carthage en 1920 au début du XXe siècle vous fait découvrir la vie d’un couple de propriétaires romains et leurs rapports avec leurs esclaves. Elle représente aussi les activités agricoles accomplies dans un grand domaine romain. Le deuxième exemple est fourni par la célèbre «Mosaïque de Virgile» découverte à Sousse en 1896. Le poète est au centre apparemment en train d’écrire; deux femmes se tiennent auprès de lui, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche. Sont-elles deux muses inspiratrices de l’artiste ? Oui, Virgile tient à la main un rouleau de parchemin qui comporte certains vers de son œuvre. Il est donc clair que les Mosaïques constituent une précieuse source d’information sur la vie artistique, sociale, économique et culturelle en Tunisie à l’époque romaine.

En conclusion, je m’accroche, comme tous les grands musées, à un grand rêve, celui de devenir rapidement un musée du futur, un musée sans clôture, sans porte, ouvert en permanence, accessible grâce à internet, gratuit, surveillé uniquement par des caméras. Je rêve d’être un musée où on utilise massivement dans les départements, les nouvelles techniques informatisées les plus modernes de la signalétique, de l’éclairage et des multimédias et où on aménage un marquage au sol qui correspond à un parcours avec une entrée et une sortie permettant à celui qui le suit de découvrir les diverses étapes de l’histoire de la Tunisie qui s’étend de la période punique à l’époque contemporaine. Je deviens ainsi un musée qui ancre les Tunisiens dans leur identité en leur narrant fièrement le récit de 2000 ans de leur Histoire à travers les époques phénicienne, numide, romaine, chrétienne et arabo-islamique. Mais, mon but ne consiste pas uniquement à renforcer une identité, mais également à sauvegarder une altérité en privilégiant la transculturalité et le dialogue entre les civilisations. La mission de tout musée est d’assurer un équilibre entre la conservation du patrimoine et la quête permanente de l’altérité.

Arselène Ben Farhat
 

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