News - 03.03.2023

Aïssa Baccouche: Tout ce qui est excessif est insignifiant

Aïssa Baccouche: Tout ce qui est excessif est insignifiant

Avec les enfants de la patrie de Voltaire

L’autre jour, je regardais les informations sur une chaîne française. Je fus sidéré de la façon dont était traité un évènement, somme toute bénin, qui se déroulait dans mon pays.

Cette chaîne publique qui est d’ordinaire une chaîne «soft» et «cool» a dû disjoncter ce soir-là. Car comment peut-on permettre à ses journalistes de ponctuer la relation d’un fait d’une telle outrecuidance en prononçant à l’encontre de la Tunisie des jugements ex-cathedra.

Pourtant, c’est bien sur les bancs de l’Université française qu’on nous a appris que tout ce qui est excessif est insignifiant. J’ose espérer que cette Université n'a pas vécu et que la douce France chantée par Trenet ne se soit pas envolée avec lui, ni que le pays des lumières tant clamé par Malraux ne devienne une légende.

Je sais, par expérience, que le journalisme est une profession qui requiert au moins deux qualités morales: l’humilité et l’honnêteté. Pour un journaliste, la règle de conduite est précisément la recherche de la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Et c’est là où le bât blesse. Les journalistes de cette chaine se sont-ils à ce point trompés de tribune?

Il fut une époque où on affublait l’0RTF, l’ancêtre de la chaîne, de voix de son maître. Serait-elle devenue le porte-voix des reporters infatués? Quand on se remémore l’épopée du grand reporter Albert Londres (1884-1932), qui traversait les frontières sans transgresser les règles de la déontologie, l’on est en droit de regretter ce que certains de ses disciples font de cette belle et exaltante profession.  
Il est vrai la Tunisie ne rentre pas dans les catégories préétablies par certains amis bienveillants qui acceptent mal que les autres aient pu évoluer par eux-mêmes dans une voie qui ne leur a pas été indiquée.
Pourtant, ils devraient méditer l’enseignement de Voltaire (1694-1778), chantre de l’esprit des lumières, qui, dans son traité sur la tolérance, a bien indiqué «qu’une éthique s’impose qui prescrit d’accepter sur la terre entière l’étranger dans son altérité».

Avec une ex. ministre de l’écologie

On a trop souvent occulté la main de l’homme dans les changements climatiques. Ce n’est que dernièrement que dans le rapport du groupement international créé à cet effet, que les activités humaines ont été pointées du doigt.

Le président américain a fini tout de même par l’admettre.

Dans la bouche de Mr Bush, c’est le cas de le dire, c’est une confession d’un pêcheur. Car si on est sourd parfois aux sirènes des Don quichotte des temps modernes, on n’est pas aveugle.
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs» s’est écrié M. Chirac à Johannesburg en 2002.

Mais l’on sait bien que ce sont parfois les pyromanes qui jouent aux pompiers. Alors Basta ! Nous savons hélas que politique et éthique ne font toujours bon ménage. Ce ne sont point nos palabres qui vont changer le monde ni sauver la terre dont nous sommes, comme le prédisait déjà Frantz Fanan, dans un autre contexte bien sûr, les damnés.

Mais que voulez-vous, cette terre est la nôtre. Nous n’en avons pas d’autres.

Nous vieillirons ensemble.
Nous disparaîtrons peut-être bien ensemble.

Maintenant, je voudrai rebondir vis-à-vis des propos de Mme Corinne le Page au sujet des guerres générées par la question de l’eau. Elle a fait allusion au cas du Darfour. Je voudrais bien lui rappeler que des conflits similaires ont déjà éclaté sur le fleuve du Jourdain ainsi que sur le Litani au Liban.

Les guerres ne se déclarent pas toutes seules ; ce n’est pas une génération spontanée.

Elles sont toutes impulsées par l’homme qui, quoi qu’on dise, est un loup pour l’homme. Si l’on a pourchassé le loup si décrié c’est que, et on l’a compris, les prédateurs ne cohabitent guère.
Les nouveaux prédateurs n’y vont pas par le dos de la cuillère.

Les marchands d’armes, de drogues dures et douces telles que le tabac, les marchands de rêves, les marchands d’images, tous ces marchands se liguent pour nous emmener dans cette galère.
Alors la question est de savoir si nous sommes capables non seulement d’élever la voix mais de trouver une voie…. de salut.

Avec Mme Leïla Shahid

Vous me permettrez une petite digression. L’autre soir, en regardant l'émission « Double je  » Bernard Pivot, une question vous a été posée à propos de la langue française. Vous avez dit que c’est une langue qui véhicule quelques valeurs, quelques relents poétiques. J’ajouterai la Raison : c'est vrai que c’est la langue de Molière, de Lamartine, mais c'est aussi celle de Descartes, qui est un disciple lointain d’lbn Rochd.

Je dis cela parce qu’il m’est arrivé d’écrire avec passion dans un journal de la place lors des hostilités, en Irak un article que j’avais intitulé «Irak, Chirac, vive Descartes», parce que je crois que la langue française a un ressort, qui est la Raison et c'est pourquoi nous la parlons, nous la pratiquons et nous la propageons.

Dans un débat télévisé entre MM Védrine et Kissinger, cette Raison avait aussi émergé, puisque le langage du premier était celui du compromis refondateur et du dialogue entre l'Occident et l'Orient, alors que celui du second était rempli d'arrogance et promettait de «régler son cas au Moyen Orient». D’ailleurs au niveau de l’analyse, M. Védrine avait parlé de l’Etat-Monde et déclaré qu’il nefallait pas occulter les impertinentes nécessitées de l’énergie.

Certains pensent honnis soient-ils, à ce propos qu’il ya quelque part une «erreur géologique» puisque le monde arabe regorge de pétrole et que le monde occidental en a besoin.

Est-ce que c’est durable ou conjoncturel ? Je crois que nous vivons au temps la Pax Americana. Je rappelle toutefois que le grand historien tunisien Ibn Khaldoun - dont une nouvelle version du «livre des exemples» vient de paraître à Paris a écrit en substance que se tous les empires portent en eux-mêmes les germes de leur déliquescence.

Avec un riverain du Nord

D’Athènes à Rome et de Carthage à Cordoue toutes les civilisations méditerranéennes ont davantage magnifié le verbe que l'épée. « Paroles, paroles » disent encore nos amis napolitains.

Certes le verbe n’a tué personne ou presque. Mais à l’évidence il est peu efficace.

Alors notre vœu le plus ardent est que la communauté des ONG, si forte et si aguerrie passe à l'acte. Tous en prêchant la « bonne parole », le temps est venu pour qu’elle échappe au verbiage et qu’elle occupe réellement le terrain encore en friche.

Il existe une forte demande de ce côté-ci de la Méditerranée d’un partenariat solidaire. 

Encore faut-il que ce partenariat évite deux écueils : le paternalisme qui est la négation du binôme égalitaire but suprême de l'action en commun et le clientélisme qui génère tous les dérapages.

Avec le professeur Catalano à Sassari

Je viens du pays de l’olivier, du figuier et des dattes, l'Ifriquia, patrie de Saint Augustin, vous apporter en même temps que les senteurs du jasmin de Hammamet et de la rose de l'Ariana un message d’amour, de tolérance et de concorde.

La Tunisie, comme vous le savez, est pour tous les riverains de la Méditerranée le pays proche et ami. L’histoire et la géographie l’ont placée là au carrefour du Monde entre le Nord et le Sud entre l’Orient et l’Occident pour précisément servir de pont entre les cultures et de creuset pour les civilisations.

Hier, grenier de Rome, notre terre est aujourd’hui assez fertile pour offrir à l’Univers les plus beaux épis de la paix.

Aïssa Baccouche

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1 Commentaire
Les Commentaires
Slaheddine DCHICHA - 03-03-2023 20:46

Cher Monsieur, Afin de mieux apprécier votre article, nous aurions aimé plus de précision sur l' " évènement, somme toute bénin, qui se déroulait dans mon pays." Bien à vous.

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