News - 23.01.2023

Sonia Bahri: Quel futur pour l’enseignement supérieur scientifique à l’horizon 2030?

Sonia Bahri: Quel futur pour l’enseignement supérieur scientifique à l’horizon 2030?

(Extrait de la keynote présentée par Sonia Bahri à l’Ecole Centrale Méditerranée, à Nice, les 21 octobres 2022 à l’occasion du 25 ème anniversaire du Réseau Méditerranéen des Ecoles d’Ingénieurs (RMEI).
L’horizon 2030, c’est bien entendu celui des Objectifs du Développement Durable (ODD), un horizon qui se rapproche à grands pas et qui est déjà demain.
La façon dont l’enseignement supérieur va réagir aux grands défis mondiaux et aux ODD doit être replacée dans le contexte de sa responsabilité sociale.
C’est une réflexion et une démarche qui se situent à deux niveaux même si ces derniers finissent par se rejoindre:

Une responsabilité sociale qui se situe tout d’abord au niveau d’une institution

Dans la première approche qui privilégie l’établissement, la responsabilité sociale de l’université s’inscrit souvent dans une démarche inclusive pour permettre au maximum d’étudiants l’accès à l’enseignement supérieur et pour atteindre à travers la communauté universitaire tout entière ceux qui en ont le plus besoin, les populations marginalisées et les plus démunies, notamment les réfugiés vis-à-vis desquels cette dernière pense avoir un devoir d’engagement civique.

On parle aussi de responsabilité sociale pour évoquer la responsabilité qu’aurait l’université vis à vis de ses propres étudiants, pour assurer leur bien-être, leur employabilité en rapport avec les besoins économiques et sociaux, ou pour exprimer la réponse que pourrait apporter les programmes de formation et de recherche de l’institution concernée, aux nouvelles opportunités, à l’émergence de nouveaux métiers liés à la transition numérique, énergétique et écologique et aux orientations de la politique publique sur le territoire.

C’est ce que l’on pourrait appeler la responsabilité sociale locale (à l’échelle micro) mais cela ne veut pas dire bien entendu que l’université en question ne s’intéressera pas à travers des programmes de formation et de recherche à des questions globales, aux grands enjeux environnementaux, éthiques, économiques et sociaux qui nous concernent tous et qui dépassent largement les frontières nationales ou régionales.

Mais on se situe là sur le plan de la mission propre que s’est assignée l’université sur une base volontaire, à partir de sa vision propre, et non pas sur le plan plus vaste qu’est celui de l’enseignement supérieur, en tant que système.

Car ce questionnement trouve en effet également sa place au niveau « macro », par ceux qui pensent et travaillent sur «l’enseignement supérieur» en tant que système et non en tant qu’institution individuelle.

Une responsabilité sociale de l’enseignement supérieur en tant que système

En effet, dans ce dernier cas, il s’agit de l’enseignement supérieur, perçu dans sa caractéristique d’acteur clé de l’espace public, aux côtés du politique, de la société civile, des médias et bien entendu du secteur productif. Le concept de responsabilité sociale de l’enseignement supérieur s’inscrit alors dans un cadre plus théorique, et conceptuel qui serait celui de la nouvelle mission de l’Enseignement Supérieur. Et une question qui se pose d’emblée est celle de la place que doit trouver l’enseignement supérieur par rapport à ces autres acteurs de l’espace public compte tenu de ce qu’on pourrait appeler son «avantage comparatif».

Il est certain que ce qui distingue l’Enseignement Supérieur des autres Institutions c’est non seulement sa capacité à produire du capital humain et des connaissances, notamment des connaissances scientifiques mais c’est surtout sa capacité et on pourrait même dire sa vocation à raisonner et à travailler dans un temps long.

Dans un monde de plus en plus complexe où le politique subit la pression du court-terme, il est crucial d’avoir recours et de donner toute sa place à l’enseignement supérieur et aux résultats de la recherche dans le processus de prise de décision pour la construction d’un monde plus durable.

Il y a donc différents  degrés dans la perception, la réflexion, l’analyse et  la conceptualisation y compris par les universités elles-mêmes de ce que doit être la responsabilité sociale de l’Enseignement supérieur, le degré le plus poussé étant le développement de programmes de recherche et de formation spécifiquement dédiés au  thème de la « responsabilité sociale de l’enseignement supérieur»  où ce dernier se questionne non seulement sur son propre rôle dans une démarche à la fois réflexive et prospective mais aussi sur sa propre responsabilité en tant que système:

«Quelle est et quelle devrait être la mission de l’Enseignement Supérieur dans le monde d’aujourd’hui et de demain, face aux transformations profondes et rapides que vivent nos sociétés et aux grands défis auxquelles elles se trouvent confrontées? Dans quelle mesure disposons-nous d’un avantage comparatif et pourquoi sommes-nous en rupture par rapport au passé?».

Quelles missions pour l’enseignement supérieur?

Ce changement de paradigme par rapport au rôle traditionnel de production et de transmission des savoirs et de développement intellectuel des élites de l’enseignement supérieur, est reconnu dans le débat international comme nécessaire pour apporter à la fois à l’échelle locale et globale, une réponse à ces grands enjeux auxquels doit faire face le monde d’aujourd’hui.

La Conférence Mondiale pour l’Enseignement Supérieur de 2009 avait déjà accordé une place de premier rang au thème de la responsabilité sociale de l’enseignement supérieur, y compris dans son Communiqué final et une plénière avait été consacrée à cette thématique.

Cela  signifie qu’au-delà des thèmes plus «traditionnels» ou plus «techniques» de l’assurance qualité, de l’internationalisation  ou du financement de l’enseignement supérieur, la communauté internationale reconnaît qu’une nouvelle dynamique doit conduire  l’enseignement supérieur à être «au sein de chaque société, la première source  de connaissances mondiales sur les moyens de relever des défis mondiaux…» et qu’il doit favoriser «une réflexion critique et une citoyenneté active qui contribue à la promotion du développement durable, de la paix, du bien-être et du développement ainsi  qu’au plein exercice des droits de l’homme….».

De même, la dernière Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur qui s’est tenue à Barcelone en Mai 2022 avait pour titre « Réinventer l’enseignement supérieur pour un avenir plus durable ». Elle a ciblé un large éventail de parties prenantes intéressées par l'enseignement supérieur dans le but de définir et de préparer une feuille de route pour une nouvelle ère à la fois d'institutions et de systèmes nationaux d'enseignement supérieur.

Avec ces deux dernières conférences mondiales, on peut donc considérer qu’un pas important a ainsi été franchi dans le débat de la communauté internationale vers une reconnaissance de l’importance de la responsabilité sociale de l’enseignement supérieur et de la nouvelle mission de ce système d’enseignement vis-à-vis des enjeux du développement durable et de la création d’un monde plus vivable, plus juste et plus solidaire.

Une mission de l’enseignement supérieur qui, est clairement en écho avec une quête de sens, croissante, que l’on peut observer chez les étudiants qui se sentent directement concernés par l’urgence climatique, par l’urgence d’une transition énergétique et écologique, par la préservation de la biodiversité et des écosystèmes et par l’importance de la paix et qui ont envie de participer aux solutions.
Je prendrais déjà pour exemple le cas de l’Université de Paris Dauphine où les très bons étudiants ne vont plus nécessairement vers les mathématiques appliqués ou la finance mais postulent pour le Master Peace Studies). Un bon nombre de ces étudiants sont des scientifiques, des informaticiens notamment qui postulent pour ce Master, précisément pour être en adéquation avec leurs valeurs.

Nous avons tous également en tête l’exemple très récent et largement médiatisé de la remise des diplômes de la promotion 2022 d’AgroParistech où des étudiants tout juste diplômés montent sur scène pour prononcer un discours sur les raisons qui les poussent à bifurquer, et à ne pas suivre "ces débouchés", présentées tout au long de leurs parcours et qui selon eux, "font davantage partie des problèmes que des solutions".

Si l’enseignement supérieur, et notamment l’enseignement supérieur scientifique, a un rôle majeur à jouer pour faire émerger des solutions pour répondre aux ODD, il ne peut le faire sans un certain nombre de mutations (ou de véritables transformations) qui seront indispensables à l’accomplissement de cette mission.

Ces transformations qui commencent à être visibles dans un certain nombre d’établissements sont loin d’être généralisées surtout si l’on observe les tendances au niveau mondial.

Quelles mutations pour les Institutions d’enseignement supérieur?

La première de ces transformations, c’est justement cette capacité d’anticipation et de projection dans le futur qui fait trop souvent défaut dans les universités

1. La capacité d’anticipation et de projection dans le futur

Pour faire face aux défis qui sont les nôtres, les universités doivent résolument se tourner vers l'avenir. La capacité d’anticipation est une capacité institutionnelle qui doit être encouragée partout dans le monde.

En effet, le haut niveau d'expertise de la communauté universitaire dans divers domaines offre un avantage unique aux établissements d'enseignement supérieur pour adopter une orientation prospective, pour anticiper les défis futurs et prévenir les crises à venir, que ce soit au niveau local ou global. Cela dépendra de la culture propre à l’établissement et de son sentiment d’appartenance à tel ou tel espace territorial mais lorsqu’on parle de local, cela peut être au niveau d’une commune, d’un département, d’une région ou d’un espace régional comme celui de la Méditerranée.

Cette démarche doit être collective et impliquer toutes les parties prenantes, avec une participation active des étudiants. A cet égard la démarche prospective de l’INSA Lyon intitulée # INSA2040 par exemple est particulièrement intéressante. Elle s’inscrit dans une continuité avec la culture et l’histoire de l’établissement marquée par son co-créateur, Gaston Berger, qui est également un des pères fondateurs de la prospective.

Une autre mutation clé de l’enseignement supérieur est celle du numérique

2. La place du numérique

La pandémie de la Covid-19 a été un élément majeur dans l’accélération de cette transformation numérique, déjà amorcée depuis une bonne dizaine d’années mais loin d’être étendue et généralisée.
Qui aurait prédit il y a 5 ans que les universités du monde entier seraient fermées en raison d’une pandémie?

L’enseignement supérieur a pourtant été le système d’enseignement le plus résiliant face à la crise sanitaire. Il a pu en effet s’appuyer davantage sur le numérique que les autres systèmes (secondaires ou primaires) et cela pour plusieurs raisons:

Davantage de connectivité de la part des étudiants et des enseignants

Plus grande autonomie des étudiants

Existence d’universités numériques sur lesquelles s’appuyer: cas de la Tunisie par exemple (Université Virtuelle de Tunis)

Existence de Moocs et de cours en ligne pour de nombreuses universités

Les universités se sont donc montrées plutôt résilientes face a cette crise sanitaire mondiale même s’il convient de souligner que pour la partie scientifique et technique et la nécessaire manipulation en ateliers ou en laboratoire, le distanciel est resté beaucoup plus compliqué et moins efficient.

L’enseignement supérieur intégrera très certainement de façon beaucoup plus large la dimension numérique dans les années à venir, en anticipation d’autres pandémies, conflits ou de crises climatiques éventuelles. On pourrait même imaginer que le concept de l’ATAWAD pourrait s’y appliquer: Any time, Any where, Any device…  Car un plus large accès à cet enseignement dans l’esprit d’un enseignement tout au long de la vie passera nécessairement par le numérique. De plus, avec les récentes recommandations du GIEC sur le télétravail, cette transformation devient un paramètre à nécessairement prendre compte dans toute démarche prospective pour contribuer à réduire l’empreinte carbone des établissements. Ce qui ne veut pas dire bien entendu que le présentiel qui est essentiel pour le bien-être des étudiants et des enseignants n’y aura plus sa place.

3. L’interdisciplinarité

La complexité des enjeux du développement durable et leurs interconnections appellent l’enseignement supérieur à adopter une approche systémique et à pousser plus loin encore l’interdisciplinarité et même à en devenir le fer de lance. Il convient en effet de former les prochaines générations à l’interdisciplinarité et de leur apprendre à raisonner et à travailler dans cette optique au quotidien. Aujourd’hui les enseignants, les étudiants, tout comme les décideurs politiques raisonnent parfois encore trop en silos. On peut espérer qu’à terme, ce type de formation permettra de limiter les barrières par disciplines qui laissent aujourd’hui leurs traces dans les écoles et dans les ministères.

La mutation de l’enseignement supérieur en faveur de l’interdisciplinarité passe notamment par le «décloisonnement» entre les facultés (comme par exemple les écoles d’ingénieurs et les écoles de management) et par l’acquisition de compétences pour le travail en équipes interdisciplinaires.

Elle passe aussi par l’interdisciplinarité entre différentes disciplines scientifiques où les mathématiques par exemple à travers la modélisation notamment, enrichit significativement les recherches dans de très nombreux domaines, de la chimie à la génétique en passant par la physique quantique…

Cette interdisciplinarité est indispensable à l’accès à cette pensée complexe, si chère à Edgar Morin qui nécessite la fécondation des savoirs.  Des savoirs, des innovations technologiques et une production de nouvelles connaissances qui doivent être accompagnés d’un enseignement plus large où l’éthique aurait toute sa place. Car il ne suffit pas de former des ingénieurs et informaticiens techniquement performants, encore faut-il assurer la formation d’un esprit critique, cultiver l’immunité intellectuelle, stimuler l’ouverture d'esprit, le travail en équipe des jeunes par une véritable éducation qui dépasse la stricte technicité.

Cette éducation scientifique doit passer par l’accès aux sciences humaines et sociales, à l’histoire, à la littérature, aux arts et à la culture. On reconnait de plus en plus aujourd’hui l’importance des sciences humaines dans certains domaines des sciences exactes et naturelles comme l’océanographie pour ne prendre que cet exemple où les comportements humains expliquent les érosions côtières, la perte en biodiversité ou la détérioration des écosystèmes.  Sans cette intégration des sciences sociales, les solutions scientifiques et techniques resteront incomplètes et inefficientes.
L’interdisciplinarité dans la recherche, l’innovation et la formation est donc essentielle. Elle reste intimement liée à la stimulation de la créativité et de l’innovation qui doivent trouver toute leur place dans l’enseignement supérieur.

4. La créativité et l’innovation

Pour Einstein «l'imagination est plus importante que la connaissance». En effet, l'imagination et la créativité sont à la base de l'innovation qui permettra, plus spécifiquement dans le domaine scientifique et technologique, de répondre de manière adéquate aux grands défis mondiaux du développement durable.

Comme souligné dans la conclusion d’un rapport de l'Association européenne des universités sur la créativité dans l'enseignement supérieur, "... jusqu'à présent, relativement peu d'attention a été accordée à la manière dont la créativité et l'innovation peuvent être améliorées au sein de l'université..." alors que les établissements d’enseignement supérieur doivent promouvoir une culture tolérante et  encourager l’innovation qui peut s’avérer être disruptive, mais toujours dans le respect de l’éthique et des objectifs du développement durable.

5. L’éducation à l'entrepreneuriat

Pour faire en sorte que la recherche et l'innovation puissent avoir un impact concret sur le développement durable et le développement de nouvelles opportunités d’emplois qui en résulteraient les universités devraient former aux compétences entrepreneuriales et fournir les programmes de formation appropriés.

Même si de très grands progrès ont été réalisés dans ce sens au cours des dix dernières années, l'entrepreneuriat pourrait être encore considéré dans de nombreux pays comme « le chaînon manquant » entre les résultats de l’innovation et la mise sur le marché (from the lab to the market).

Un manque de culture, d'esprit et de compétences entrepreneuriales peut expliquer le fait que certaines innovations techniques développées au sein des universités n'atteindront jamais le stade de la fabrication et ne seront donc pas mises à la disposition des populations concernées pour réduire la pauvreté ou améliorer leur qualité de vie et leur santé tout en contribuant à une économie verte.

D’ailleurs, l’entrepreneuriat n'est pas seulement nécessaire pour les économistes et les ingénieurs. Il doit concerner toutes les domaines. C'est un état d’esprit. Un changement culturel doit s’opérer pour créer davantage de synergies, de ponts et de dialogue entre enseignement supérieur, industries et collectivités territoriales, qui déboucheront nécessairement vers la création de nouveaux emplois.

6. Une plus grande participation des femmes aux disciplines scientifiques et aux fonctions à haute responsabilité

L’enseignement supérieur du futur devra assurer une égalité entre les genres dans la participation aux disciplines et aux carrières scientifiques.  Aujourd’hui encore, selon l’UNESCO, moins d’un tiers des chercheurs dans le monde sont des femmes et dans un pays comme la France cette part n’est que de 28%.

Or, pour atteindre les ODD le monde a besoin de plus de science et ne peut se permettre de se priver de la contribution de la moitié de l’humanité à la production de cette connaissance pour faire émerger des solutions face au changement climatique et aux défis auxquels nous devons tous faire face.

Dans le cas de l’intelligence artificielle(IA) la part des femmes dans la partie technique au niveau mondial est inquiétante: seuls 22% des professionnels de l’IA dans le monde sont des femmes et seuls 17% des développeurs sont développeuses (Forum Economique Mondial). Les raisons sont multiples: stéréotypes discriminants, représentations sociales, biais cognitif.... Or, compte tenu de l’importance qu’a déjà et qu’aura l’IA dans nos vies et le monde du travail, les femmes ne peuvent en rester écartées, sans un risque de fausser la réalité et d’avoir une IA non éthique, de faible qualité car présentant des biais et aggravant davantage encore les discriminations envers les femmes.

Dans ce cas précis la rive du Sud de la méditerranée souffre parfois beaucoup moins de ce déséquilibre. Certains pays comme la Tunisie ont même un nombre équivalent, voire supérieur de femmes dans ces domaines scientifiques et techniques.

Il faudra aussi plus de femmes qui accèdent aux plus hautes responsabilités au sein des universités : en Europe, la part des femmes Présidentes d’universités, bien qu’en légère hausse, reste encore très faible (23,7 % et 20% pour la France) et celle-ci est encore plus réduite dans d’autres régions et notamment en Afrique sub-saharienne avec par exemple 15% de femmes pour un pays comme l’Afrique du Sud.

7. Un renforcement des réseaux

Il serait inconcevable, compte tenu de la complexité des savoirs et de celle du monde dans lequel nous vivons, d’imaginer des universités qui ne travailleraient étroitement pas en réseaux avec d’autres établissements d’enseignement supérieur à l’échelle nationale, régionale et internationale.

La mutualisation et la circulation libre des connaissances et de l’expertise est en effet essentielle pour une formation et une recherche de qualité sur des thématiques spécifiques. La libre circulation des connaissances et des résultats de la recherche scientifique, facilitée par le numérique est encouragée par la Recommandation à portée universelle de l’UNESCO sur la Science ouverte, adoptée par le Conférence Générale en 2021.A cet égard, L’UNESCO a été visionnaire avec la création des Chaires UNESCO et réseaux UNITWIN en 1992.

La coopération et les échanges académiques notamment au niveau Nord-Sud et Nord-Sud-Sud doivent encore se renforcer. Au niveau régional, la création de pôles d’excellence et d’innovation sur certaines thématiques prioritaires doit être encouragée, plus particulièrement dans les pays de Sud où la nécessité de mettre en commun les connaissances et l’expertise se fait ressentir avec plus d’acuité compte tenu du manque de financement de l’enseignement supérieur.  Ces pôles permettront de constituer «une masse critique» de moyens propres à fournir une meilleure qualité des recherches et des formations sur un espace géographique donné, comme celui de la méditerranée. A l’échelle nationale comme à l’échelle sous-régionale, les universités devront travailler de plus en plus  en synergie et créer des passerelles avec les autres acteurs de l’espace public que sont les décideurs politiques, dont la prise de décision devra être nourrie des résultats de la recherche en plus de la société civile, des médias et de l’industrie sans oublier les populations locales. Cette synergie devra se faire dans un souci de complémentarité et de partage pour un plus grand impact sur le développement durable.

Ces éléments ne seront pas faciles à mettre en œuvre ou seront insuffisants pour permettre une réelle transformation vers un enseignement supérieur socialement responsable dans l'accomplissement de sa mission de relever les grands défis mondiaux, sans le leadership adéquat. Un leadership visionnaire et stratégique dans les établissements d'enseignement supérieur est en effet crucial.

Sans cela, rien ne sera réalisé. Le changement nécessitera trop de temps et d'énergie si les membres du corps professoral ne bénéficient pas de la compréhension et du soutien de l'équipe de direction. Cela nécessite des stratégies nationales de formation et d'encadrement visant à doter les dirigeants actuels et futurs de l'enseignement supérieur des compétences et de la sensibilisation aux bonnes pratiques pour aider à assurer cette mutation et répondre aux défis futurs.

Dans notre contexte méditerranéen, rappelons que pour Fernand Braudel «l’unité essentielle de la Méditerranée c’est le climat, un climat très particulier, semblable d’un bout à l’autre de la mer, unificateur des paysages et des genres de vie…».

Faisons donc sorte que l’urgence climatique dont on constate les effets dévastateurs sur l’ensemble du bassin méditerranéen, crée le sursaut nécessaire pour agir ensemble pour cette Méditerranée qui nous unit dans une communauté de destin. Si nous avons un climat et une mer en partage, c’est que nous avons aussi un avenir en commun qu’il s’agit d’ores et déjà de construire ensemble.

Sonia Bahri




 

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