Hommage à ... - 04.01.2023

Docteur Khmaies Nagati : un grand humaniste nous quitte

Docteur Khmaies Nagati : un grand humaniste nous quitte

Par Abderrazek Maalej* - Il fait partie de cette première génération de médecins qui croient au bénévolat médical pour l’amélioration de la santé de leur prochain.
Sa vie durant, il milita pour des actions de prévention rattachées aux maladies nutritionnelles, ainsi que la formation de plusieurs générations de médecins à l’Université de Tunis et l’Institut National de Nutrition.

Pendant plusieurs années, il anima à travers des émissions de santé hebdomadaires à la télévision tunisienne, pour la diffusion et la divulgation de conseils thérapeutiques sur les maladies de nutrition et de diabète.

Le parcours de cet autodidacte est atypique

Né à Kairouan le 10 novembre 1940 pendant la période de misère de la guerre et de l’après-guerre, il vécu dans une famille nombreuse. Enfant, il vivotait grâce à la vente des produits de la ferme familiale au marché de la ville.

Il ne rejoignit le banc de l’école que tardivement, à l’âge de 11 ans.

Brillant, il rattrapa vite son retard et passa sa scolarité avec brio.

Au lycée de garçons de Sousse, il obtint uniquement une demi-pension. Pendant les premiers mois du secondaire, il logea chez des amis kairouannais de la famille dans des conditions de grande misère.

C’est alors qu’il eut l’audace d’écrire une lettre au Président Habib Bourguiba, qu’il arriva à lui glisser lors du passage de son cortège au cours d’une visite officielle à Sousse au début de l’indépendance.
Quelques jours plus tard, il obtint sa pension complète au lycée.

Il obtient son baccalauréat (Tunisien et Français section mathématiques) à Tunis en 1962  avec mention.

Il se rend ensuite à Montpellier pour poursuivre des études de médecine couronnées en Juin 1970 par le titre de Docteur en Médecine de la Faculté de Médecine de Montpellier. Il obtient en 1972  le Certificat d’Etudes Supérieures en Maladies Métaboliques et Endocriniennes ainsi qu’un diplôme d’études supérieures en diététique à la Faculté de  Médecine de Paris (Hôtel Dieu). Ces études lui ont permis de travailler sous la direction de sommités dans le domaine de la nutrition et du diabète comme les professeurs Bour, Mirouze, Assan et chobrousky  dont les travaux sont mondialement connus.

A son retour en Tunisie, il est affecté dans le cadre de son service militaire aux hôpitaux de Zaghoun, Ras Jbel et Kairouan, ce qui lui permet de prendre connaissance de la réalité médicale à l’époque.
Chef de Service à l’Institut National de Nutrition sous la présidence du Docteur Zouhair Kallel, et président de son comité scientifique, il était l’un des éminents diabétologues nutritionnistes tunisiens. Il a contribué aux techniques de lutte contre le diabète malgré le manque de moyens à cette époque.

Face à un taux relativement élevé de diabète en Tunisie (15%), il organisa dans les années soixante-dix à travers l’Institut National de Nutrition, des caravanes de santé pour sensibiliser les malades. Ce qui a permis d’identifier et répertorier les malades dans les régions reculées du pays.

Pendant ces compagnes, il a eu l’idée géniale de sauvegarder l’insuline chez les épiciers des villages qui disposaient de frigidaire et d’une ligne téléphonique. L’épicier gérait alors le stock d’insuline par patient et jouait le rôle d’auxiliaire médical en téléphonant à l’Institut National de Nutrition en cas d’urgence.

Sous sa supervision également, des camps et des colonies de vacances ont été organisés dans toute la Tunisie, pour les enfants et les jeunes atteints de diabète. L’idée était de faciliter l’acceptation de la maladie grâce à l’échange d’expériences entre ces jeunes et des activités autour de la maladie et des soins, tels que l’initiation à la pratique et à la maîtrise de l’auto-injection.

Ces compagnes ont sauvé des centaines de vies d’une mort certaine, pendant les premières décennies de l’indépendance.

Ce champion de bénévolat se déplaçait tous les vendredis à sa ville natale Kairouan, et particulièrement au dispensaire de «Sidi Abdelkader» pour des consultations gratuites pour les familles nécessiteuses.
Ce dispensaire porte actuellement son nom.

Un passionné de la cause des diabétiques et du travail associatif, son empathie pour les malades les plus démunis est légendaire, Premier président fondateur de l’Association Kairouan pour le développement intégré «AKDI» EX OKBA qui a évolué maintenant vers l’octroi de micro-crédits, mais voilà plus que 30ans l’association avait pour objet principal la distribution de médicaments gratuits aux pauvres de la région.

Il fait partie des pionniers de la médecine nutritionniste en Tunisie. Il fut Président et membre fondateur de la Société Tunisienne des Sciences de la Nutrition, membre de la Fédération Internationale de Diabète «FID», président de la FID région MENA, et membre fondateur et président du groupe panafricain de diabète.

Courtois, sympathique et bon vivant, Docteur Khmaies Nagati est parti discrètement après une longue maladie.

Nos sincères condoléances à sa femme Catherine, ses enfants Karima, Tarek et Mehdi.

Adieu docteur

Abderrazek Maalej
* Expert comptable indépendant

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