Opinions - 26.12.2021

Le bonheur n’est pas dans le PIB mais dans la tête et les tripes

Le bonheur n’est pas dans le PIB mais dans la tête et les tripes

Par Ridha Bergaoui - Le bonheur est le but ultime de tout être humain. Vivre heureux, bien dans sa tête et sa peau, sans se soucier des problèmes et des tracas est un objectif qui nous a fait tous rêver car le plus souvent on n’a que déception, tristesse et douleur.

Le bonheur est un sujet à la mode, tout le monde en parle. Plusieurs revues, articles, bouquins, émissions… parlent du bonheur et donnent même des recettes pour apprendre le bonheur et être heureux.

Lors du dernier conseil des ministres du dun23 décembre, et à propos de la loi des finances 2022, le président de la république a souligné « que nous n’avons pas besoin d’un produit intérieur brut (PIB), nous avons besoin du bonheur brut "نحن لسنا في حاجة إلى الناتج الداخلي الخام، نحن في حاجة للسعادة الداخلية الخام".

Au fait, c’est quoi le bonheur ?

Le bonheur est un état, un sentiment de satisfaction, de joie, de plénitude.  Le sentiment d’être bien dans sa tête et son corps, en parfaite harmonie avec soi même, les gens  qui nous entourent et l’ambiance du moment. Un sentiment de paix et de sérénité, intérieures.

La vie est en réalité une succession de joie et de tristesse, de malheur et de bonheur. Sans le malheur on ne saurait connaitre l’importance et la joie du bonheur. Celui-ci malheureusement n’est pas durable dans le temps, il se présente durant  la journée, plutôt comme des moments fugaces qu’il faut cueillir et saisir sur le champ.

La plupart des gens confondent le bonheur avec les origines ou les déclencheurs du bonheur. Certains définissent le bonheur comme le fait de réussir à un examen, un test, un concours… D’autres le définissent comme le fait d’être en bonne compagnie, avec des gens qu’on aime, la famille, les enfants. C’est passer un bon moment avec des amis, à bavarder, jouer ou prendre un café ou un bon repas … D’autres pensent que le bonheur c’est le fait d’aider l’autre, de servir son prochain, de faire une bonne action… Chacun a en fait sa définition du bonheur et il y a autant de définitions que d’êtres humains sur terre.

En réalité tous ces événements peuvent déclencher en nous un sentiment de satisfaction, de joie et de bonheur. C’est que toutes ces occasions stimulent le cerveau qui sécrète des neurotransmetteurs (la dopamine et la sérotonine) qui sont responsables de cet état de plaisir et de satisfaction. La sérotonine est sécrétée en grande partie (jusqu’à95%) dans notre tube digestif (appelé également deuxième cerveau) par les bactéries gastro-intestinales. Manger à sa faim est source de sérotonine donc de bonne humeur, plaisir et de bonheur.

Le bonheur passe ainsi essentiellement par notre cerveau et nos tripes. Il vient de l’intérieur de nous même. Il ne faut pas le chercher à l’extérieur, on ne peut ni l’acheter ni le vendre. Il faut le cultiver, le construire et s’entrainer chaque jour à l’acquérir.  Finalement on est responsable de son bonheur (ou de son malheur) et être heureux ne dépend que de nous seuls. On peut décider d’être heureux, il suffit de le vouloir. Le bonheur est contagieux et se multiplie en le partageant avec les autres.

Comment être heureux

Etre heureux ne dépend ni de notre physique, ni des vêtements qu’on porte, ni de notre solde en banque, ni de notre âge ou notre sexe.

En fait, cela dépend surtout de notre mental.  Certains arrivent à être heureux même dans les pires situations (en étant gravement malades ou après un très grave accident ou un grand handicap ou un grand chagrin). Ceux là parviennent à tout relativiser, de se dire que ce n’est pas très grave qu’il y a pire et de voir le bon coté des choses.

D’autres trouvent dans chaque petite difficulté un très gros problème qu’ils peinent à surmonter. D’autres sont soit trop perfectionnistes et critiquent tout le temps ou sont constamment négatifs et se disent toujours que cela ne marchera pas et qu’il est inutile d’essayer. Certains même s’interdisent le bonheur et pensent qu’ils ne le méritent pas ou qu’ici  bas le bonheur n’existe pas. Pour eux, le vrai bonheur se trouve dans l’au-delà, après la mort.
Dans notre société moderne, les industriels et les publicistes essayent toujours de nous créer de nouveaux besoins pour nous pousser à consommer encore plus. Il y a toujours un nouveau produit ou un nouveau modèle qu’on ne possède pas et, qu’à force de matraquage publicitaire,  on nous pousse à acquérir en nous promettant que nous serions mieux et plus heureux. Cette quête continue du bonheur est elle-même source d’angoisse, d’insatisfaction et de malheur.

On est tous différents, chacun d’entre nous est particulier et a ses qualités et ses défauts. La comparaison avec d’autres personnes est source de stress, de frustration et de déprime. En se comparant à des personnes qui disposent de plus de moyens matériels, on éprouve un sentiment d’insatisfaction.
Bonheur et confiance
Il y a une relation étroite entre bonheur et confiance. Tout d’abord, confiance en soi mais également confiance dans les autres et dans l’avenir. Douter de soi et manquer de confiance nous empêche de prendre des risques, de sortir de notre zone de confort et de tenter de nouvelles expériences.  Avoir confiance en soi c’est savoir qu’on pourra faire face aux défis du quotidien et qu’on mérite et qu’on a droit au bonheur. Cela nous permet également de nous ouvrir aux autres, compter sur eux et partager le plaisir d’être ensemble.

Avoir confiance en nos dirigeants et responsables politiques, faire confiance à nos institutions se sentir en sécurité sont autant de raisons de ne pas s’inquiéter et source de bonheur. Des responsables honnêtes, non corrompus sont considérés crédibles et patriotes. Corruption et spéculation entrainent la détérioration de la capitale confiance. La transparente et une bonne communication garantissent entre autres la confiance mutuelle, source de bonheur collectif.

Parfois le bonheur tient à peu de chose comme lorsque l’équipe nationale gagne un match de foot, ou qu’un sportif  ou un jeune ramène, lors d’une compétition internationale, une médaille et brandit tout haut le drapeau tunisien.

Les Tunisiens se sentent malheureux et guettent avec appréhension la LF 2022

Les divers sondages réalisés par plusieurs agences montrent que le Tunisien est de plus en plus pessimiste. Alors que la plupart des pays fête la fin d’année, que les rues des capitales et grandes villes étrangères sont illuminées et joliment décorées et que tout le monde  s’affaire à acheter des cadeaux, le Tunisien s’enfonce de plus en plus dans la déprime.

Face à des crises multiples (politique, sanitaire, économique, sociale), une grave flambée des prix et une détérioration drastique  du pouvoir d’achat, le citoyen est à l’affut de toute information concernant la loi des finances (LF) 2022 et toute l’armada des nouvelles mesures et impôts qui vont probablement l’accompagner. Faute d’informations officielles, le Tunisien n’a que des copies fuitées qu’on se partage massivement sur les réseaux sociaux et qui n’augurent rien de bon.  Pour combler le déficit budgétaire, l’Etat serait amené, certainement, à imposer à tour de bras de nouvelles sources d’impôts et de lever partiellement la subvention sur les produits de première nécessite. Encore une nouvelle année difficile semble se dessiner et le citoyen s’attend au pire.

La Tunisie est classée parmi les pays les plus malheureux

A coté du bonheur individuel ressenti par le citoyen, beaucoup ont essayé d’évaluer le degré de bonheur pour tout le pays. Plusieurs index ont été établis et permettent de classer les pays et d’établir un indice mondial du bonheur. Ces indices font appel à de nombreux critères comme la paix et sécurité, les libertés, la démocratie et droit des personnes, la qualité de la vie et l’environnement … Ces indices permettent d’avoir une meilleure idée sur le bien être du citoyen beaucoup mieux que le simple PIB.

Selon le classement des Nations Unies du bonheur dans le monde pour 2021, la Tunisie se classe 122e sur 149 pays. La Finlande occupe la première place suivie par les autres pays nordiques et  européens dont la France (21e). L’Afghanistan ferme la marche devancée par Zimbabwe, Rwanda et Botswana. La Tunisie se trouve bien loin de la Libye (80e), du Maroc (106e) et de l’Algérie (109e).

La Tunisie était classée 39/60 pays en 2010 et était un peu à la traine en raison essentiellement de la dictature et de l’absence des libertés de la presse.

Le Tunisien est devenu méfiant et ne fait plus confiance à qui que se soit

Le Tunisien n’a plus confiance en ses dirigeants et sa classe politique. Les scandales et les compagnes successives anticorruption n’ont fait qu’empirer la situation. Tous sont devenus des corrompus : politiciens, élus, hommes d’affaires, industriels,  journalistes et médias, douaniers et policiers, juges et même les ex-présidents des gouvernements ainsi que toute l’administration et ses nombreux services publics… Tout le monde est devenu présumé coupable jusqu’à preuve du contraire. Ce climat favorise la méfiance et le sentiment d’injustice.

Le Président de la République dénonce, à chacune de ses apparitions médiatiques, les corrompus, les malhonnêtes, les péculateurs et autres mafias qui nous veulent du mal et qui ont volé l’argent du peuple. Pire encore les annonces répétées des tentatives d’assassinat du Président et des hommes politiques, alors que la Tunisie a souffert du terrorisme et des assassinats politiques, ne font que renforcer les angoisses du citoyen et le climat d’insécurité. Ces informations, presque gratuites,  donnent, au niveau mondial, une très mauvaise image du pays, de ses politiciens et les hommes qui le gouvernent.

L’instabilité politique vécue ces dernières années (la Tunisie a connu 11 chefs de gouvernements en 10 ans alors qu’on a eu seulement 3 premiers ministres de 1987-2011 durant toute la période Ben Ali), les multiples querelles politiques et les nombreuses promesses non tenues font que le citoyen ne fait plus confiance dans les institutions de l’Etat et ses différents services publics.

Avoir affaire à l’administration pour régler ses problèmes (même payer une simple facture ou retirer un extrait de naissance ou une signature légalisée) est synonyme de nos jours pour le citoyen lambda d’une vraie corvée, un parcours du combattant.

Les services publics comme l’enseignement et la santé, qui représentaient à un certain moment la fierté du pays, se sont écroulés et ces deux institutions se retrouvent de nos jours dans un piteux état.

Enfin l’inflation, la détérioration du pouvoir d’achat et le chômage ont fini par assommer le Tunisien et le mettre complètement KO.

Conclusion

Nous avons tous droit au bonheur. Le bonheur est un processus mental  personnel. Pour être heureux, il faut le vouloir, se contenter de ce qu’on a et de ne pas se comparer aux autres. Vivre pleinement l’instant présent, accepter et profiter de ces petits instants de bonheur qui peuvent survenir à tout moment de la journée.

Dans ce processus, la confiance est primordiale : confiance en soi, confiance aux autres et à ses dirigeants politiques. En Tunisie, le langage politique doit être complètement revu  afin de rassurer le citoyen sur son avenir et celui de ses enfants. La transparence et une bonne communication sont les gages d’une confiance mutuelle et d’un climat serein.

Des services publics (comme l’enseignement, les soins et le transport) de qualité, une administration moderne avec utilisation intelligente des nouvelles technologies et du numérique enfin un environnement stimulant  permettent d’améliorer les services et de faciliter la vie au citoyen. Enfin, une politique sociale adéquate doit permettre de venir en aide, en ces temps difficiles, aux couches sociales les plus démunies.

Ce sont là, des idées ou du moins des souhaits à la veille de la nouvelle année qu’elle porte bonheur à tous nos concitoyens et bonne fêtes de fin d’année à tous.

Ridha Bergaoui