News - 17.11.2021

Climat : la solidarité internationale, grande absente de la COP 26 de Glasgow

Climat : la solidarité internationale, grande absente de la cop 26 de Glasgow

Par Mohamed Larbi Bouguerra - Pour beaucoup d’observateurs, les décisions prises concernant le climat de la planète à Glasgow nous conduisent droit dans le mur.

Le président de la COP 26 prend acte du désastre en disant avec une voix tremblante qu’il «est sincèrement désolé» : le Britannique Alok Sharma a beau pleurer en abattant son marteau à la clôture de la conférence qui a accouché du « Pacte de Glasgow pour le climat », il n’en demeure pas moins que le résultat de ces quinze nuits d’âpres négociations, de laborieuses tractations et de marchandages de maquignon est particulièrement décevant ; en particulier pour les pays du Sud. Ces derniers ne sont pas responsables du changement climatique, œuvre des pays industrialisés qui les ont colonisés et exploités leurs richesses en utilisant force charbon et hydrocarbures et en abattant les forêts à qui mieux mieux. Comme cela a été le cas au Congo et en RDC entre autres.  Pourtant, aujourd’hui, se sont ces mêmes Etats du Sud qui voient s’abattre sur eux typhons, tsunamis, incendies, inondations, assauts de la mer, sécheresse, perte de récoltes et de biodiversité…avec leur cortège de maladies, de destruction des infrastructures et du mode de vie ancestral voire de famine comme à Madagascar. En Tunisie, la sécheresse à un impact de plus en plus accusé sur l’agriculture à cause des pluies erratiques et de la baisse des nappes phréatiques. En fait, tous les pays du Maghreb doivent faire face à un manque d’eau aigu d’eau étant donné le changement climatique.
On notera que Glasgow a été particulièrement ardu à atteindre pour les délégués des pays du Sud du fait des prix exorbitants, des problèmes de logement – la COP a compté 30 000 participants provenant de 196 pays- et des difficultés liées aux visas et aux vaccins.

La prochaine COP aura lieu dans un an à Charm Cheikh en Egypte.

Face à ce sombre tableau, les pays riches ont manqué le coche de la solidarité. Ils ont manqué le coche de la justice. Aurore Mathieu, responsable au Réseau Action Climat affirme : «C’est une COP de pays du Nord, qui reflète les priorités des pays riches et qui n’a pas démontré de réelle solidarité.» Incisif, l’économiste Maxime Combes qualifie le résultat de la COP26 d’ «indécent», «parce que les pays riches refusent de payer le prix de leur responsabilité historique, au détriment des populations pauvres. » Il cible en particulier l’Union Européenne et la France qui «nous font honte» ajoute cet expert.

De son côté, M. Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU juge que «la volonté politique collective n’a pas été suffisante pour surmonter de profondes contradictions» entre pays : «Il est temps de passer en mode urgence.» ajoute-t-il. Diplomate cependant, Guterres juge que la conférence a abouti à «des pas en avant bienvenus» mais que «ce n’est pas assez».

Effectivement, les riches (EU, Europe) ne veulent pas financer les réparations des «dégâts irréversibles» causés par exemple par les inondations ou les sécheresses dues au changement climatique car cela pourrait justifier par la suite des poursuites judiciaires à leur encontre.

Prévoyants ces malins Européens et Américains arcboutés sur leur confort, mais comment par la suite faire face aux réfugiés climatiques chassés de chez eux par le changement climatique et la famine ?

Les pays du Sud sont arrivés à Glasgow avec une demande de réparation importante des pertes qu’ils ont déjà subies. Les pays vulnérables plaidaient pour la mise sur pied d’un fonds spécifique. Las ! Seules l’Ecosse et la Wallonie s’y sont engagées. Oxfam y voit le fait que «les pays riches ont tourné le dos à la souffrance de millions de personnes.» 

Engagements non tenus

Un enjeu important de la COP 26 était de faire en sorte que les pays industrialisés et riches tiennent leur engagement envers les pays du Sud pour les épauler face au réchauffement du climat. En 2009, tous avaient promis de leur verser 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020 et ce jusqu’en 2025 soit un total de 500 milliards. Or, on est loin du compte : l’argent mis sur la table en 2021 se monte à seulement 80 milliards environ. De plus, il est pour l’essentiel constitués de crédits et non de dons ! On notera que durant la présidence Trump, les Etats Unis- qui devaient verser le tiers des 100 milliards de dollars- n’ont pas respecté leur engagement.  L’attente des pays du Sud était grande de voir changer ce tableau à Glasgow. Les pays riches ont préféré repousser la cible. Elle ne sera concrétisée qu’en 2022, promettent-ils affirmant qu’en 2025 les 500 milliards seront là. Certains y voit une mesure «dilatoire».

Conséquence, écrit Marie-Noëlle Bertrand : «Outre de laisser des populations démunies face au réchauffement, cette mise en attente risque, là encore, d’avoir un impact négatif sur la lutte contre le réchauffement. Beaucoup de pays en développement conditionnent leurs efforts au soutien qui leur sera apporté. C’est le cas de l’Inde, dont l’engagement de développer massivement les énergies décarbonées au cours de la prochaine décennie pourrait être remis en cause.» (L’Humanité, 15 novembre 2021, p. 5)

Une avancée historique….timide :

Les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de 90% de celles du gaz carbonique CO2. Elles n’ont jamais été prises pour cibles pour les négociations sur le climat. Les intérêts géostratégiques s’y opposent depuis longtemps. Le mercredi 10 novembre 2021 pourtant, la présidence britannique de la COP a présenté un avant-texte où figure pour la première fois une mention claire et explicite de sortie du charbon ainsi que l’objectif de mettre fin aux financements des énergies fossiles. Signal positif et signal historique ! En effet, depuis vingt-sept ans, jamais une COP ne s’est fixée pour but de réduire l’exploitation du gaz, du pétrole ou du charbon. Négocier les choix énergétiques des Etats est un tabou économique, bien intégré par les négociateurs. Qu’on en juge : c’est à un milliard de dollars qu’on évalue le montant médian des subventions politiques consenties aux industries qui exploitent des énergies fossiles dans 65 pays des pays qui émettent le plus de GES.

Les données scientifiques au sujet de ces énergies ne manquent pourtant pas : la prestigieuse revue Nature estime que pour limiter le réchauffement en deçà de 1,5°C, «60% des réserves actuelles de pétrole et de gaz et 90% des réserves de charbon doivent rester dans le sol .)  Ce qui aboutirait « à organiser une baisse de la production de gaz et de pétrole de 3% par an jusqu’en 2050 et de 7% pour le charbon».

A la COP 26, plusieurs coalitions de pays se sont formées visant une sortie du charbon. La Boga (Beyond Oil and Gas Alliance) -Alliance pour aller au-delà du pétrole et du gaz- lancée par le Danemark et le Costa Rica réunit une dizaine de pays dont le Groenland, l’Irlande, le Québec et la France. Malheureusement, dans le texte final, le charbon a été maintenu face à l’opposition de l’Inde. Il n’est plus question que d’en réduire l’utilisation,  à la discrétion des Etats.

Discuté à la COP, un premier projet de texte appelait à «accélérer la sortie du charbon et des subventions aux énergies fossiles.» Le texte finalement adopté ne demande plus qu’à «intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans système de capture de gaz carbonique et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles.» Exit donc l’idée d’éliminer le charbon mais un horizon de modernité économique s’ouvre pour les gouvernements.

Victoire pour l’Inde en tout cas**. Quant à La Chine**, elle possède la moitié des centrales à charbon du monde mais «est écartelée entre ses engagements et sa dépendance au charbon». (Le Monde, 16 novembre 2021, p. 10) Pour le moment, le gaz et le pétrole ne sont pas inquiétés. Ce qui a récompensé les pressions de l’Arabie Saoudite, de l’Inde, les Etats Unis et de la Chine.

Grosse surprise à la COP 26 mercredi 10 novembre 2021 :  La Chine et les États-Unis, les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de la planète ont conclu une « déclaration conjointe sur le renforcement de l'action climatique », a annoncé à Glasgow l'émissaire chinois pour le climat, Xie Zhanghua. « Les deux parties reconnaissent l'écart existant entre les efforts actuels et les objectifs de l'accord de ¬Paris, donc nous renforcerons conjointement l'action climatique », a déclaré le responsable chinois devant la presse. (Le Figaro, 10 novembre 2021)

Quid de l’ambition climatique?

Dans le cadre des accords de Paris, les engagements pris par les Etats ne pouvaient limiter le réchauffement climatique en deçà de +2,7°C. La mission de la COP 26 était claire : il fallait amener les Etats à soumettre des propositions plus en conformité avec le but fixé par le GIEC pour le réchauffement climatique : +1,5°C par rapport à l’ère industrielle. C’est ainsi que le Nigeria- grand producteur d’hydrocarbures en Afrique- et l’Inde ont annoncé s’engager pour atteindre la neutralité carbone en 2060.

De plus, on a fait grand cas de l’accélération des efforts pour arrêter la déforestation à Glasgow. Des coalitions se sont faites autour pour sortir du charbon. Une vingtaine d’Etats ont pris comme cheval de bataille la sortie du gaz et du pétrole. Mais bien des espérances se sont évaporées. L’Agence Internationale de l’Energie a fait savoir que le réchauffement pourrait être limité à +1,8°C.

A l’arrivée, les choses sont objectivement plus sombres. Bien des pays ne jouent pas le jeu ou reviennent sur leurs engagements. Pour Greenpeace : « Sans calendrier de mise en œuvre concrète, ni moyens contraignants de les faire respecter, ces engagements restent incantatoires. »

Versant positif : le pacte de Glasgow demande aux pays signataires de l’accord de Paris de préciser leurs objectifs à l’horizon 2030, et ce dès l’an prochain en Egypte alors que l’agenda initial prévoyait 2025 pour cette déclaration.

Conclusion

L’urgence frappe à la porte des humains. Mégafeux, montée des eaux marines, sécheresse et inondations n’ont pas réussi l’électrochoc espéré. Les pays du Sud n’ont obtenu ni la justice ni la solidarité face à l’égoïsme des riches.

Contenir le réchauffement à 2,4°C d’ici la fin du siècle est dramatique face aux recommandations du GIEC : 1,5°C qui permettrait des conditions de vie encore acceptable sur notre planète.

Mohamed Larbi Bouguerra

** La mégapollution générée par les particules fines de charbon à Delhi a contraint l’Inde à fermer ses écoles une semaine durant dernièrement. A Beijing, la pollution peut parfois empêcher toute vision en plein jour et obliger à fermer certaines usines utilisant le charbon autour de la capitale.

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Pour gagner la lutte contre le réchauffement climatique, il faut continuer à aider massivement les pays du sud à se developper sans carbone 



 

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