News - 19.09.2021

Relancer l’investissement en Tunisie: l’urgence absolue

Relancer l’investissement en Tunisie : l’urgence absolue

Par Dr. Mahmoud Anis Bettaieb - La Tunisie vit actuellement une attente lourde de conséquences. Depuis le 25 juillet 2021 et l’annonce par le chef de l’Etat de l’application de l’article 80 de la constitution tunisienne, le peuple tunisien attend la formation d’un nouveau gouvernement et espère pouvoir y voir plus clair quant à l’avenir du pays et son propre avenir.

Cette attente, et sans entrer dans ses justifications, ne peut qu’être nuisible au climat des affaires et des investissements. Les investisseurs tunisiens mais surtout étrangers, suspendent leurs décisions, voire les annules, en attendant d’y voir plus clair.

La Tunisie souffre depuis des années, et encore plus depuis la révolution de 2011, d’un manque d’investissements public et privé. L’argent public a essentiellement servi à payer les salaires et à rembourser la dette. Et l’argent du secteur privé a servi soit à des investissements de rente et de spéculation (essentiellement dans l’immobilier et dans les placements). L’investissement étranger, qu’il soit direct ou indirect a lui été très faible.

Pourtant la législation sur l’investissement a été revue quasiment en son intégralité. Le code d’incitation aux investissements, a disparu laissant la place à la loi relative à l’investissement(1). Des décrets ont supprimé (en tout cas en apparence) la plupart des autorisations administratives, le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés a été amendé dans le sens ou la partie relative aux avantages fiscaux y a été introduite.  Une loi sur le partenariat public privé a été promulguée(2), le système du registre de commerce a été revu de fond en comble…(3)

Mais toutes ces lois, toutes ces réformes sont restés lettre morte. Non seulement leur application mais aussi leur contenu (et nous y reviendrons dans un prochain article), ont été largement en deca des attentes.

Le problème est donc ailleurs, en tout cas en partie. La stabilité politique où l’instabilité politique empêche que l’investissement ne reparte. Certes, la stabilité politique qu’avait connu la Tunisie sous Ben Ali, avait permis d’attirer des investissements, mais il est erroné de croire que l’investissement cherche la dictature, loin s’en faut. Il n’y a qu’à regarder des pays démocratiques qui attirent les investissements étrangers, pour s’en persuader.

En plus de la stabilité politique et sociale, l’environnement des affaires joue aussi un rôle déterminant. On pourra aussi citer la fiscalité, la qualité de la main-d’œuvre, des infrastructures… mais tel n’est pas notre propos lors de cet article.

C’est de visibilité et ensuite de réformes que l’investissement a besoin.

Depuis 2011, la Tunisie a connu plusieurs périodes d’attentes. Celle des élections de la constituante, celle de l’attente de la constitution et du régime politique qui en naitra, celle des élections de 2014 et de 2019 et aujourd’hui celle des décisions du président de la République. Suivront encore celle des prochaines élections, etc.

Les périodes d’instabilité dureront donc, mais cela ne devrait pas continuer à freiner la confiance et l’investissement. C’est sur les institutions et les lois qu’il faudra travailler. Des institutions neutres et des politiques clairs peuvent éclaircir les horizons.

La Tunisie souffre d’une bureaucratie maladive, d’un système judiciaire qui ne suit pas les évolutions du monde d’aujourd’hui, d’un système bancaire sclérosé, … et tout cela influe directement sur l’investissement. Il influe aussi sur les mentalités. Avec un tel système, il est normal que les tunisiens cherchent un emploi dans l’administration et que les meilleurs projets soient l’ouverture des cafés et qu’une large partie cherche à immigrer. Il est normal aussi que l’investissement étranger ne soit attiré que par le secteur des hydrocarbures, délaissant des pans entier de l’économie qu’il ne trouve pas assez attractifs.

Il est donc plus qu’urgent de réformer et d’agir et cette action doit être transversale et toucher à plusieurs, voire à tous les leviers.

Dr. Mahmoud Anis Bettaieb

1) Loi n° 2016-71du 30 septembre 2016.

2) Loi n° 2015-49 du 27 novembre 2015, relative aux contrats de partenariat public privé.

3) Loi n°2018-52 du 29 novembre 2018 relative au registre national des entreprises.

 

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