News - 12.11.2020

...Et la gazelle de l’Atlas redevint tunisienne

...Et la gazelle de l’Atlas redevint tunisienne

C’est une magnifique saga qui se réalise sur les hauteurs de la dorsale tunisienne, réintroduisant la gazelle de l’Atlas qui avait failli s’éteindre de nos forêts. Cette espèce propre de l’Afrique du Nord n’avait pu survivre, à partir des années 1970, que seulement dans les environs du Jebel Chaambi et de Khchem El Kelb. Dans le parc national de Dghoumes, elle a résisté jusqu’à 1992.

Menacée d’extinction, il fallait alors la réintroduire en Tunisie, selon une approche scientifique rigoureuse en plusieurs étapes. D’abord, sur la base d’un programme d’élevage en captivité dans des aires protégées, puis procéder à un relâchement suivi. L’ensemble de l’opération a pu être mené grâce à un partenariat scientifique et technique tuniso-espagnol, élargi à la société civile. Le succès n’a pas tardé.

Le groupe fondateur était formé de 43 gazelles arrivées d’Espagne en 2016. Il a été installé dans des enclos d’acclimatation aménagés au parc national de Jebel Serj, au milieu de la dorsale, entre les gouvernorats de Siliana et Kairouan. La période initiale devait être de trois ans. Cette étape cruciale s’est avérée probante. La reproduction a en effet porté le nombre à 100 têtes en 2019, ce qui a autorisé le passage à la deuxième étape. Parmi ces spécimens, 33 têtes ont été lâchées en novembre 2019. Grâce à des colliers et des appareils de GPS, elles étaient toutes suivies. Des drones avaient même été prévus à cet effet, mais leur utilisation a dû être limitée en raison du contexte sécuritaire dans la zone.

Dès la première gestation du printemps 2020, pas moins de 25 nouveau-nés ont été enregistrés. Opération réussie!

«Le plus grand acquis qui souligne cette réussite, souligne à Leaders Mohamed Boufaroua, directeur général des Forêts, c’est l’adhésion de la population locale. Grâce à une bonne communication de proximité, les habitants de la région ont compris l’ampleur du projet et pris en affection les gazelles. Très attentifs à leurs mouvements lorsqu’ils descendent en bas de la forêt, ils s’empressent de les signaler aux agents de la DGF, craignant le moindre mal pouvant les atteindre. Cette symbiose entre l’homme, la gazelle et la nature est absolument merveilleuse.»

Retour sur une saga.

«C’est le fruit d’une étroite collaboration entre la Direction générale des forêts (DGF), relevant du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, et l’EEZA-CSIC, un institut  espagnol multidisciplinaire, qui couvre de nombreux domaines de recherche de pointe», explique M. Boufaroua. «L’ONG Tunisia Wildlife Conservation Society (TWCS) a été activement impliquée dès le début en tant que partenaire pour son rôle dans la réalisation du projet et pour son intérêt pour la conservation de la vie sauvage et la sensibilisation des populations», ajoute-t-il.

«L’accord-cadre de coopération scientifique et technique signé en 2015, indique Mohamed Boufaroua, porte sur la réintroduction de différentes espèces de gazelles menacées, notamment la gazelle de l’Atlas, dans plusieurs aires protégées tunisiennes, avec pour objectif final de permettre l’établissement de populations viables de cette espèce menacée sur une partie de son aire de répartition historique.»

La gazelle de l’Atlas occupait historiquement les chaînes de montagnes, les collines du Maghreb et les chaînes voisines en Tunisie, en Algérie et au Maroc. En Tunisie, elle occupait l’ensemble de la Dorsale et les massifs présahariens. Elle a un pelage globalement brun foncé (dos, tête et pattes), contrastant avec son ventre et sa croupe qui sont blancs. Le visage a les rayures claires typiques des gazelles. Les deux sexes ont des cornes. Elle vit en petits groupes comprenant moins de huit animaux. Les harems sont assez fréquents, avec un mâle adulte et quelques femelles adultes, accompagnés de leurs petits récents.

La gazelle de l’Atlas est présente dans une grande variété d’habitats sur des terrains vallonnés, des terres ouvertes, des prairies au sommet des collines et des plateaux désertiques pierreux, allant de 60 m à 2 600 mètres au-dessus du niveau de la mer

Jebel Serj : un site bien approprié

Le parc national de Jebel Serj a été choisi comme zone appropriée pour démarrer le projet, faisant partie de l’aire de répartition historique de la gazelle de l’Atlas et se situant au milieu de la Dorsale. Le parc national a été créé en mars 2010 sur une superficie de 1 720 ha, ce qui a permis à la fois un enrichissement en nombre et en densité de la faune sauvage. L’hyène rayée, le loup doré africain, la mangouste, l’aigle botté et le faucon pèlerin sont quelques exemples parmi d’autres espèces qui habitent le site.

La végétation est particulièrement riche dans le Jebel Serj. Une forêt méditerranéenne extrêmement dense occupe la zone avec des espèces prépondérantes comme le pin d’Alep, le chêne vert, le genêt, le mastic et l’emblématique érable de Montpellier. Plusieurs autres essences telles que l’orpin blanc et le polypody forment une couche herbacée vivace qui influence le plus l’écosystème en tant que fournisseurs de nourriture et matières organiques au sol.

Le site abrite un écomusée qui permet de mettre en valeur des éléments importants du patrimoine naturel du Jebel Serj. A l’intérieur, le visiteur peut apprendre davantage sur l’environnement, la flore et la faune du parc.

Délicate réintroduction 

Les gazelles de l’Atlas sont arrivées au parc national de Jebel Serj entre le 18 et le 20 octobre 2016. Le groupe fondateur était composé de 43 individus: 12 mâles et 31 femelles. La plupart des individus (8 mâles - 27 femelles) provenaient de la station expérimentale des zones arides de La Hoya (EEZA-CSIC), où se trouve la plus grande population de gazelles en captivité. Le zoo Oasys Park Fuerteventura (îles Canaries), qui participe également à l’EEP, a contribué au stock fondateur avec 8 individus (4 mâles - 4 femelles). À leur arrivée, les gazelles étaient principalement distribuées pour former des groupes reproducteurs. La première génération de gazelles de l’Atlas devait naître vers avril 2017.

Le projet de réintroduction considère comme très important pour son succès d’avoir du personnel formé sur le site de réintroduction. Pour cela, trois techniciens tunisiens ont été formés à l’EEZA-CSIC à différentes tâches de gestion, d’élevage et d’entretien des gazelles.

Une organisation rigoureuse

Depuis leur arrivée en octobre 2016 au parc national de Jebel Serj, les gazelles réintroduites ont été quotidiennement surveillées et selon un protocole pré-convenu car il est très important de vérifier l’état de santé des animaux. Ainsi, tous les enclos sont soigneusement examinés tôt le matin. Pour faciliter «le ré-ensauvagement» des gazelles, il a été décidé de ne pas interférer avec les animaux, à moins que leur vie ne soit en danger. Ce n’est que lorsque les symptômes d’une maladie grave sont apparents que les gazelles sont capturées pour être traitées par le vétérinaire.

Le premier petit de gazelle de l’Atlas est né en Tunisie le 3 avril 2017. C’était un beau mâle, qui a très rapidement été nourri par sa mère. Après ce premier mâle, plus de 20 petits sont nés à Jebel Serj entre avril et août 2017. Depuis, environ 25 nouveaux faons naissent chaque printemps. En fait, plus de 80 gazelles tunisiennes ont été enregistrées jusqu’à septembre 2019. Chaque année depuis 2017, le nombre de femelles qui mettent bas, le nombre de descendants nés et ceux qui survivent plus longtemps a augmenté ainsi que la taille de la population. Tous les animaux se sont parfaitement adaptés à leur nouvel habitat «d’origine». Très probablement, car leur pool génétique conserve encore des souvenirs de l’habitat de leurs ancêtres. Décidément, les gazelles de l’Atlas sont de retour chez elles dans leur habitat d’origine.

Le grand défi

En novembre 2019 a eu lieu l’étape la plus importante de cette réintroduction: plus de 30 gazelles de l’Atlas ont été relâchées, toujours dans le parc national du Jebel Serj. C’étaient pour la plupart des groupes familiers. Tous sont nés en Tunisie. C’étaient des «descendants» de ceux ramenés d’Espagne en 2016. Pour surveiller certains des animaux après la libération, des mâles ont été marqués avec des colliers numérotés de couleur. Les gardiens du Jebel Serj ont observé à plusieurs reprises des groupes mixtes avec un mâle et plusieurs femelles et des jeunes, ou juste un groupe de femelles avec leurs petits. Ils se comportent tous d’une manière très appropriée. On peut dire qu’au bout de trois ans, la population réintroduite s’adaptait de plus en plus à son nouvel (ancien) habitat, et que sa population augmentait progressivement.

Le succès de ce projet pilote a incité les partenaires tuniso-espagnols à envisager l’extension de cette coopération. Mais aussi la porter dans d’autres zones appropriées. Ça sera un nouvel acquis précieux. et l’extrapolation d’une «success story» à d’autres parcs en Tunisie.

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