News - 19.06.2020

Mohamed Kasdallah: Que le meilleur soit pour notre pays, pour notre Armée et au–delà…

Mohamed Kasdallah: Que le meilleur soit pour notre  pays, pour notre  Armée et au–delà…

Par Mohamed Kasdallah, ancien Officier de l’Armée Nationale - A l’orée du 64eme anniversaire de la création de l’Armée Nationale, quel regard porterons-nous sur l’avenir immédiat et lointain de cette vaillante institution ? Il y a, certes, le risque que le futur demeure  chargé de grosses menaces  polymorphes et  sera, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire et réécrire, assurément dominé par des défis opérationnels, technologiques et scientifiques ajoutés aux incertitudes géopolitiques. L’objectif de cet article est de montrer comment rester maître de la préparation de l’avenir et s’adapter aux aléas des perspectives qui se renouvellent à pas  sans cesse resserrés.

Comment maintenir l’excellence reconnue de notre armée?

Envisager le futur ne peut se faire sérieusement sans considérer le passé et ses enseignements, tant  il est vrai que «celui qui ignore les leçons de l’Histoire se condamne à en revivre ses modalités».

C’est donc à l’aune de ce constat qu’il semble intéressant d’examiner certains aspects qui ont marqué notre armée pendant cette décennie et ce dans la perspective de la maintenir à long terme sur un chemin d’excellence, aujourd’hui reconnu, mais qu’il  a fallu développer et entretenir pour faire face aux défis spécifiques des prochaines décennies.

En dehors des critères quantitatifs des ressources humaines et budgétaires, certes cruciaux mais qui ne sont pas abordés dans ce développement, la question est de savoir globalement les principaux facteurs dont on peut, avec le recul, juger qu’ils ont été déterminants dans l’acquisition d’une certaine excellence par nos forces armées.

Excellence dans le domaine de la formation

A la base et  d’un point de vue technique et en toute logique, la réalisation du triptyque: instruction individuelle, instruction collective et entrainement performant qui était, et devrait l’être toujours, tout à fait prioritaire pour le commandement .Cela, bien entendu, a  un coût budgétaire et en temps qui, dans un contexte de suremploi des personnels et matériels, ne devrait pas être minimisé.

Baisser la garde dans cette politique de formation revient in fine  à renoncer à la recherche de l’excellence.

Excellence opérationnelle

Il s’agit de réaliser une parfaite interopérabilité entre les trois composantes: terre, air, mer de l’armée et entre les unités d’une même entité. C’est crucial pour la rapidité de la prise de décision.

Aujourd’hui la supériorité opérationnelle s’acquiert via le champ nouveau immatériel de la maitrise de l’information et de la décision rapide.

Excellence dans la doctrine et l’innovation

Qui couvre un bel oxymore : doctrine et innovation  technique .Voilà bien deux termes qui ne vont pas forcément ensemble dans le domaine militaire : c’est bien connu, comme dit l’adage anecdotique: «les militaires ont toujours une guerre en retard». Le constat est donc clair: Les meilleurs chars, les meilleurs avions, les  plus belles  frégates, les meilleurs commandos font de beaux défilés et flattent les égos, mais tout cela ne vaut rien sans une doctrine adaptée et pragmatique aussi  sans un corps d’officiers entrainés, compétents et ouverts à la modernité.

Donc pour rester dans le camp des vainqueurs de demain, il faut s’adapter et innover : plus facile à dire qu’à faire, tant le sentiment est fort que tout a été écrit des milliers de fois.

Que ceux qui décident pour nous, ouvrent les yeux

Les défis futurs qui se posent à nos militaires sont là devant nous. L’image le plus extraordinaire, bien plus extraordinaire que tout ce que nous supposions des technologies des drones, est celle de ce militaire français  «flyboard» volant dans les airs et montrant par-là que l’art de la défense ne peut s’accommoder de la médiocrité. Il s’agit là de sciences, d’intelligence et de connaissances  technologiques. La France  vient d’annoncer la création d’un nouveau commandement militaire spatial rattaché à l’armée de l’air. Il s’agit bien de spatial dont il est question. Ce n’est pas de la science-fiction. Ceci est la réalité d’aujourd’hui. Ce n’est pas un jeu.

Notre vœu est qu’en cette année naissante  notre honorable armée reste sur la crête de l’excellence et que s’ouvre une époque qui nous apporte un peu plus de certitude et un peu moins de troubles.

Aussi, ma foi est grande que seuls  nos  militaires sont en mesure de réduire l’abîme de  la formidable explosion  des progrès technologiques à condition de précipiter les pas et dans le bon sens.

En l’état actuel de ce pays, seule une institution militaire disciplinée, hiérarchisée, formée et dévouée est en mesure de maintenir à flot la Tunisie .Aucune autre institution n’en est outillée et n’est capable d’accomplir une telle œuvre. Toutes sont moribondes, estropiées par sept décennies de gabegie, de corruption et d’incompétence.

"Votre combat est désespéré". C’est le message qu’il faut adresser à ceux qui ciblent l’Armée en s’acharnant dans une campagne hystérique pour attenter au moral de la troupe. Ces lobbies, qui balancent à tout bout de champ des histoires extravagantes autour d’un coup d’état militaire, sont identifiés et surtout connus par leurs ramifications et leurs instruments et auxquels nous ferons face.

De grâce, ne touchons pas à l’armée. Les intérêts géostratégiques dans notre région nécessitent non seulement une armée forte et des militaires compétents, mais un regard responsable sur le devenir de ce pays. Nul ne doit toucher à ce socle. Il en va de nos vies et de la vie de nos enfants, de nos proches et de notre Tunisie.

Aussi, il faut garder à l’esprit et se rappeler toujours que la Tunisie n’est pas une île isolée de son environnement. Les menaces extérieures sont réelles. Elles sont là à nos portes.

Peut-on être si aveugle, si inconséquent pour ne pas les percevoir. La raison doit revenir, le bon sens doit l’emporter et la réalité doit s’imposer.
En conclusion, préserver et développer l’excellence reconnue de notre armée passe, outre d’éventuelles évolutions organisationnelles, par certains principes fondamentaux et la recherche des équilibres entre hommes et matériels. Mais, pour aussi essentiels que soient les facteurs d’excellence, ils doivent être amplifiés par une capacité de réflexion, de réactivité, d’adaptabilité et d’innovation qui ne peut être que le fruit de cerveaux bien faits, ouverts sur les réalités, curieux des grandes lignes de force qui  agitent la planète. Tout ceci ne peut résulter que d’une culture sans tabou aucun et d’une liberté de penser et de proposer qui sont les meilleures garanties pour une ambition d’excellence. Cette liberté pour laquelle tant de Chouhada ont sacrifié l’ultime de l’ultime: leur vie.

Puisse donc cette année nouvelle nous donne la foi, le courage et la confiance en nous- même au lieu de subir la sinistrose comme à notre habitude. Faisons confiance donc à notre pays, à nos capacités afin de faire reculer le pire et le désenchantement.
Et qu’enfin le meilleur soit pour notre pays, pour notre Armée et au-delà….

Mohamed Kasdallah
Ancien Officier de l’Armée Nationale



 

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