News - 30.05.2020

Khaled Kaddour: La Tunisie a besoin d’une vision globale et non des plans sectoriels de sauvetage

Khaled Kaddour: La Tunisie a besoin d’une vision globale et non des plans sectoriels de sauvetage

Par Khaled Kaddour - Il est un fait indéniable aujourd’hui que la Tunisie, comme plusieurs pays, fait face à un double défi, d’une part une crise multidimensionnelle sans précèdent, et d’autre part l’urgence de la préparation des choix futurs. En effet, il est crucial de ne pas combattre la pandémie seulement, mais également il est important de démarrer la construction d’un futur meilleur autour de la question de base, comment on veut et on peut vivre dans notre pays, qui sera probablement diffèrent d’aujourd’hui. 

Depuis le début de cette crise sanitaire, des mesures sont prises dans l’urgence qui vont accélérer les changements, on peut citer l’enseignement à distance, le télétravail, les réunions onlines, le payement online à côté d’une multitude des services digitalisés.

Cette crise présente aussi des opportunités à saisir si on profite de cette situation de réactivité et de prise de décision dans l’urgence pour transformer le système de gouvernance en guise de gagner la bataille de demain.

Nouvelle gouvernance pour construire le futur

Cette gouvernance doit être basée principalement sur 3 piliers:

• Une vision globale qui traduit l’équilibre entre l’économie, le social et l’environnement. Elle doit être basée sur une approche participative et d’appropriation afin de réussir sa mise en œuvre. Elle doit prendre en considération les tendances lourdes, les ruptures (technologiques et sociétales) et les germes d’avenir.
Il est important de considérer aussi un horizon à plusieurs temporalités, un horizon de l’action directe (2020-2021) pour répondre aux attentes immédiates de la population, un horizon intermédiaire (2035) qui sera caractérisé par la fin des grands travaux d’infrastructures notamment qui concernent l’énergie, l’eau et les télécommunications et enfin une image finale à l’horizon 2050 celle d’une génération qui est caractérisée par une possible convergence avec les sociétés développées. Cette vision doit être traduite en deux points :

(1) Des Programmes de Mise en Œuvre avec au moins un Projet Structurant pour chaque délégation.

(2) Un Budget Triennal pour pouvoir prendre en considération les différents programmes de réformes.

• Une volonté politique claire, cohérente et volontariste pour mener une transformation profonde du système.

• Un leadership soutenu par une équipe compétente et audacieuse pour conduire les réformes nécessaires.

Orientations pour une prospérité durable

Le dénominateur commun de ces orientations réside dans le fait que, dans une vision prospective, elles sont toutes porteuses d’impacts favorables.

1. Renouveler les valeurs  

À la lumière de nombreuses analyses, il est apparu que les valeurs représentent le socle de développement de la société. Les valeurs ne sont pas statiques, elles évoluent en fonction du vécu, de la modernisation de la société, des attentes des citoyens et des valeurs émergentes. La construction du futur se base en priorité sur un système de valeurs renouvelé et enraciné dans les esprits.

2. Une nouvelle gouvernance au service du développement 

L’objectif futur demeure la création de la richesse et sa répartition équitable. La gouvernance doit être au service de cet objectif.
Concernant la sécurité, la problématique majeure consistera à réaliser un équilibre entre la préservation des libertés et la nécessité de se protéger contre les nouvelles menaces. Dans ce cadre, il serait nécessaire de s’appuyer sur les principes démocratiques pour mener des réformes cohérentes et ambitieuses dans l’objectif de faire face à des menaces durables. Un consensus national serait nécessaire pour l’élaboration d’une telle stratégie.

3. Ventiler les activités économiques au niveau régional

Une stratégie volontariste devrait être mise en place en vue de réaliser une répartition régionale plus équilibrée de la croissance. L’accélération de la modernisation des infrastructures (autoroutes, hôpitaux, enseignement de qualité) améliorera l’attractivité des régions. Une vision de relance pour chaque délégation prioritaire doit être élaborée en prenant en considération les spécificités locales et les objectifs nationaux. A ce niveau l’intégration des acteurs régionaux dans l’élaboration de cette vision régionale est impérative.

4. Transformer l’administration

Une économie moderne a besoin de l’intelligence collective, de travail en réseau et de coordination, ce qui requiert une administration publique performante, souple et efficace à côté d’un cadre juridique clair et stable. Cette économie nécessite la transformation en profondeur de l’administration.

Elle est appelée à se mettre à niveau conformément aux normes et aux standards internationaux. Elle devrait devenir un levier de compétitivité et d’attractivité internationales et ce par l’amélioration de la performance du service public. A cet effet l’élaboration d’une stratégie à court et moyen terme s’impose pour adapter l’administration aux nouvelles missions de l’Etat et aux nouvelles réalités. Elle doit reposer sur le développement des capacités, la généralisation du système qualité et une plus grande efficacité des dépenses publiques.

5. Préparer les enfants pour l’avenir

L’éducation est la clé qui ouvre la porte du succès. On ne peut pas s’empêcher d’établir une corrélation entre le niveau de développement d’un pays et la performance de son système éducatif. Les défis futurs internes et externes imposent une refonte du système éducatif et non plus une simple réforme répondant à des contraintes conjoncturelles.

Cette refonte, qui permettra la construction d’une citoyenneté dynamique du tunisien de demain, sera basée sur l’amélioration de la qualité du système éducatif aussi bien pour les enseignants que pour les programmes ou les infrastructures. Cependant une meilleure synergie entre le système éducatif et le système productif devrait être faite en termes de compétences et de modes d’acquisition plutôt qu’en termes de correspondance à priori entre diplôme et emploi.

6. Garantir des soins de qualités 

La bonne santé du citoyen est nécessaire pour atteindre les objectifs du développement durable. Il est urgent de mettre en place une stratégie de mise à niveau du système de la sante publique pour répondre aux besoins de la population avec une meilleure répartition géographique. 

7. Développer des sources d’eau non conventionnelles

La Tunisie se trouve dans une zone de pénurie d’eau (moins de 500 m3/ habitant). Pour faire face à la rareté de l’eau, aggravée par une croissance d’environ  7% qui induit à la hausse de la consommation, il serait nécessaire de maîtriser les technologies de dessalement de l’eau de mer et de diversifier les projets dans les différentes régions.

8. Renforcer la transition énergétique

Le monde de l’énergie en 2050 sera très différent de celui d’aujourd’hui. Il faut s’orienter vers la mise en place d’un système énergétique plus propre, plus intelligent et plus concurrentiel.

La transition énergétique sera la base du nouveau modèle de développement du pays, tant recherché, car l’énergie est le moteur de développement, elle est essentielle au bon fonctionnement de l'activité économique, à l’équité sociale et à la protection de l’environnent puisque toute transformation de matière première, tout travail et tout mouvement requièrent de l'énergie.

9. Accélérer la transition digitale

La transition digitale contribue à l’élévation globale du niveau de vie du citoyen et l’amélioration de la performance des entreprises. Elle permet aussi d’améliorer la gouvernance et la transparence des services fournis par l’administration.  L’innovation et la mise à jour des programmes sont nécessaires pour assurer l’accélération du développement.

Khaled Kaddour