News - 31.05.2020

Officiel – Les Tunisiens à l’étranger ne seront pas taxés ! Les droits de chancellerie seront-ils rétablis sans augmentation ?

Kais Said - Nizar Yaiche - Habib Kchaou

"Faux, archifaux !" affirme à Leaders une source officielle de la présidence de la République. "Les rumeurs relatives à l’imposition d’une nouvelle taxe aux Tunisiens résidents à l’étranger n’ont aucun fondement. En aucun cas, elle ne passera !" martèle Carthage. Déjà, l’augmentation substantielle des droits de chancellerie, instituée par le ministère des Finances et transmises par les Affaires étrangères aux postes diplomatiques et consulaires n’est pas passée sous silence auprès du chef de l’État. Plus qu’une erreur d’appréciation, une faute, inadmissible! estiment les Tunisiens de tous bords. Le président Kais Saïed a d’ailleurs attiré du gouvernement sur la « non-opportunité » de cette augmentation, pour diverses raisons, nous précise-t-on. Deux faits, l’un faux, l’autre vrai, méritent éclairage.

Des novices qui ne connaissent ni la cartographie ni la sociographie de l’immigration tunisienne

L’étranger, même s’il est Tunisien expatrié devient rapidement taxable à volonté. Il n’est pas le seul. Par solution de facilité et au nom du renflouement des caisses de l’État, on se rabat sur ceux qu’on croit fortuné, taillables et corvéables à merci. Ce premier pas, s’il est un jour franchi, ouvrira la voie à tous les abus, à commencer par un impôt sur le revenu, dont la pertinence est contestée partout dans les économies libérales.

Ceux qui ont songé à ponctionner les Tunisiens à l’étranger sont des novices. Ils ne connaissent ni la cartographie de nos communautés émigrées, ni leur sociographie. Si depuis le début de l’indépendance, nous sommes à la cinquième génération de Tunisiens expatriés, le profil a beaucoup changé. Sur le 1.2 million de ressortissants (près notamment de 850.000 en France, 200.000 en Italie, 100.000 en Allemagne, 100.000 dans les pays du Golfe, 20… aux États-Unis et 35.000 au Canada, notamment), le plus gros des effectifs reste constitué par des migrants de base, les traditionnels Travailleurs Tunisiens à l’Étranger, aux familles nombreuses et revenus, somme toute, modestes. Déjà, les frais de voyage pour rentrer passer leurs vacances au pays et y dépenser une partie de leur épargne, obère lourdement leur budget. A 1000 euros le billet d’avion, multiplié par cinq ou six, les vacances en Tunisie deviennent prohibitives. De jeunes diplômés, médecins, ingénieurs, juristes, informaticiens partent de plus en plus s’installer à l’étranger et inscrire un nouveau profil d’expatriés. Ils ne sont qu’au tout début de leur nouvelle carrière, éprouvant les difficultés du commencement. Saigner tous, est inacceptable.

La calculette arithmétique ignore l’équation humaine

Ceux qui ont décidé l’augmentation des droits de chancellerie, adoptant un taux de change arithmétique des frais exigés en Tunisie, se trompent de calcul. Ils n’y voient qu'une simple conversion automatique du dinar en indexation sur la monnaie locale du pays de résidence, sans se rendre compte de ce que cela représente pour nos expatriés. S’ils entendent enrichir le trésor public, il y mille hémorragies et fuites fiscales, d'un très grand impact financier, à stopper. Ils sont déterminés à pratiquer la vérité des coûts, qu’ils commencent par l’appliquer en Tunisie. S’il est vrai que les charges réelles des prestations fournies en la matière par les communes, la police et les consulats sont élevées, ils n’ont qu’à les compresser au maximum, par l’informatisation et les services à distance.

Les seuls régimes qui ont imposé des droits de chancellerie exorbitants sont ceux autoritaires et dictatoriaux, employant les montants levés pour financer leurs agents sous couverture diplomatiques et leur propagande. Heureusement qu’on en est bien loin.

L’unique contact officiel avec la mère patrie pour un Tunisien à l’étranger est avec les services consulaires. Ils les abordent très souvent avec beaucoup d’appréhension. La qualité de l’accueil et du service ainsi que sa célérité varient beaucoup. Ils dépendent du chef de poste diplomatique ou consulaire et de ses collaborateurs, dans certains cas, constitués de personnel local et non de diplomates. Parfois, nos ressortissants doivent venir de loin, voire d’autres pays, prendre congé s’il s’agit de services non-ouvert les weekends… En Guinée équatoriale, aller faire légaliser une signature à Yaoundé au Cameroun coûte pas moins de 1200 euros en frais d’avion, de transfert de Douala à la capitale, et de séjour à l’hôtel. Les ambassades et consulats dotés de machines pour émettre des passeports se trouvent démunis, faute de liasons aériennes convoyant la valise diplomatique, de passeports vierges. Ceux qui ne sont pas mécanisés et doivent envoyer à Tunis les demandes de renouvellement ou de prolongation des titres de voyage, font eux aussi face au mécontentement de nos expatriés.

Nombre d’ambassadeurs, à saluer, redoublent d’efforts et s’ingénient à faire parvenir les documents d’état civil, voire des passeports par poste sécurisée ou des concitoyens habilités, tels que nos consuls honoraires. Nombre de brillants diplomates chargés du consulaire, comme Akram Laatar à Madrid, ont fait montre en ces temps de Covid-19, d’un dévouement impressionnant au profit de nos compatriotes. Des travailleurs sociaux aussi. Faouzi Mrabet au centre culturel et social de Rome en illustre un bon exemple. L'application Tamenni Alik, inventée à Rome, sous l'implusion de l'ambassadeur Moez Sinaoui, et adoptée en Espagne par l'équipe de Wacef Chiha et dans d'autres pays, a établi un lien précieux. D’ailleurs la pandémie a incité des nombres significatifs de Tunisiens disséminés aux quatre coins de la planète et jusque-là non-inscrits sur les registres consulaires à se faire déclarer auprès de nos ambassades, pour bénéficier de l’excellente opération de rapatriement.

Le silence troublant des Affaires sociales et étrangères

Le grand problème que soulève en outre cette augmentation des droits de chancellerie est celui de la gouvernance des Tunisiens à l’étranger. Le ministère des Finances est en droit d’y songer. Il ne saurait cependant prendre lui seul cette décision, sans concertation et accord des autres parties concernées. Officiellement, c’est le ministère des Affaires sociales qui est en charge de la tutelle de l’Office des Tunisies à l’Étranger, et partant, de nos expatriés. Fonctionnellement, c’est celui des Affaires étrangères qui perçoit ces droits pour le compte du trésor public. Entre ces deux départements, il devait y avoir le Conseil des Tunisiens à l’étranger qui tarde à se mettre en place, et les diverses associations un peu partout à travers le monde. La Kasbah a-t-elle consulté tous ces maillions de la chaîne ? Les deux ministres directement concernés par l’application de cette augmentation ont-ils fait entendre leur position auprès de leur collègue des Finances et même le chef du gouvernement ? Leur silence est complice d’une mesure inique.

Le pouvoir de correction doit fonctionner

Maintenant que le chef de l’État a alerté le gouvernement quant à la non-opportunité de cette augmentation, ce pouvoir de correction, vivement soutenu par nos expatriés doit fonctionner. Fallait-il attendre une « injonction de Carthage » pour s’en raviser. Cela risque de nous faire revenir en arrière au temps de l’ancien régime ultra-présidentialiste dont plus personne ne veut. Le ministre des Finances révisera-t-il sa décision, quitte à décider dec surseoir à son entrée en vigueur ? Interrogé à ce sujet par Leaders, il a réservé sa réponse au début de la semaine qui commence, étant pris par le séminaire gouvernemental tenu samedi à propos du plan de redressement économique et financier. Wait and See !
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
ABD. Mahmoud ABD. - 31-05-2020 15:12

A propos de "sociograhie" de la migration tunisienne - Les "TREs" - : Ceux qui saignent ce ne sont pas nos "TREs"... mais bien plutôt, les "TRDNs : Tsiens Restés au Domicile National" ... Par simple calcul arithmétique : 01 Euro qui passe de 08 TND à 3.1 soit multiplisation par... 4 !! Révolu les temps où nos TREs furent le "chouchou" de l'Etat tunisien... avec des avantages douaniers et fiscaux à gogo... L'Etat en Tunisie semble - enfin - se réveiller à la "faveur" d'une pandémie qui tire sur tout ce qui bouge... Les Grècs, pr rappel, ont du saigner ... 5 ans durant pour que l'Etat commence sortir le pays de l'impasse financière... Alors, pas ns les Tunisiens ?

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