News - 14.05.2020

Monji Ben Raies : Y aura-t-il un monde de l’après?

Monji Ben Raies : Y aura-t-il un monde de l’après ?

Le discours final du « Dictateur » de Charlie Chaplin qui, par radio-transmission, dans son extraordinaire satire du pouvoir hitlérien, déclarait au monde entier : «Nous avons développé la vitesse pour finir enfermés.» ; «Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent néanmoins insatisfaits. Notre savoir nous a rendu cyniques, notre intelligence inhumaine. Nous pensons beaucoup trop et ne ressentons pas assez. Étant trop mécanisés, nous manquons d’humanité. Étant trop cultivés, nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités, la vie n’est plus que violence».

L’Afrique semble avoir tenu le coup face au virus. Devant le succès relatif des restrictions imposées au début de la pandémie, en Tunisie, les mesures de verrouillage s’assouplissent, trop vite toutefois, du fait qu’elle enregistre de moins en moins de nouvelles infections et se prépare à rouvrir. Malgré un système de santé souffrant de sérieux problèmes structurels, le pays a pu répondre à la situation. Le succès relatif tunisien, est dû en grande partie à des mesures préventives précoces, notamment un arrêt quasi-systématique de la circulation des personnes, des quarantaines obligatoires pour les migrants entrant dans le pays et un bouclage avec prolongation de l’état d’urgence terroriste, qui est devenu aussi sanitaire, et un couvre-feu strict à l'échelle nationale. Mais les restrictions nuisent fortement à l'économie, le Fonds monétaire international prévoyant une croissance économique négative de (- 4,3%). Pour l’exercice 2020. L'économie tunisienne au point mort, connaît la récession économique la plus profonde du pays depuis son indépendance.

Des centaines de milliers de personnes travaillant dans le secteur informel, non-reconnu, ont été complètement livrées à elles-mêmes ; la capacité de soins de santé du pays, extrêmement limitée, a aussi révélé ses zones d’ombre dans le sud et l'est ; l'incapacité persistante à prendre des mesures sérieuses pour réformer son administration publique. Selon des prévisions, en mai, après près de deux mois de lock-out, le chômage aura grimpé de 15% à 25%, soit un quart de la population active tunisienne. Le verrouillage mondial a révélé dans toute son ampleur, la vulnérabilité de la structure économique de la Tunisie.

La politique de développement économique et sociale de la Tunisie, engagée depuis les années 1970, s’est fondée sur les secteurs miniers, des services, le tourisme et les transports internationaux, comme stratégie de renforcement de sa compétitivité économique, sont en perte de productivité de 50%, subissant les conséquences de la crise dans ces secteurs élus. Le pays dépendant de ses donateurs internationaux pour financer les mesures d’arrêt, (prêt d'aide d'urgence de 745 millions de dollars, au titre de l'instrument de financement rapide, approuvé par le conseil d'administration du FMI ; 230 millions d'euros (273 millions de dollars), accordés à la Tunisie par l'Union européenne ; don de 50 millions d'euros (55 millions de dollars) de la part de l'Italie ; prêt de la Banque islamique de développement de 280 millions de dollars),la dette publique et la dette extérieure tunisienne devrait atteindre respectivement 89% (contre 77,1% en 2019) et 110% (contre 92,8% en 2019) du PIB en 2020 (estimations FMI). Les mesures sacrificielles qui s’ensuivront conduiront inévitablement à des troubles sociaux. L'État tunisien est affaibli depuis très longtemps, pour diverses raisons parmi lesquelles, le piétinement de la lutte contre la corruption, les hésitations à imposer la fortune, le défaut de réserves ; aussi, des décisions excessives et injustes qui s’ajouteraient aux retombées durables de la crise, pourraient ruiner le pays.

Après sept semaines de torpeur, le système juridictionnel a été abandonné et négligé depuis si longtemps. Citoyens et professionnels, avons été mis devant un fait accompli, un Etat végétatif, quasi sans tribunal, une justice qui s’est vu de plus en plus dématérialisée, qui s’est retrouvée désincarnée, vide, ou presque, de toute humanité. Les Avocats, ont délaissé leurs robes, les regardant flotter sur une penderie, inertes et désœuvrée, ayant renoncé à plaider pour des raisons de sécurité sanitaire, encore pendant quelques semaines. Plus de décisions virtuelles, plus de juge immatériels, réévaluation de l’urgence au strict minimum ; efficacité en cas de danger imminent. Même malmenés par les circonstances depuis des années, les Avocats ont continué à maintenir une activité juridique, à inventer des solutions pour que la justice survive, alors qu’elle était déjà en difficulté, à lutter pour les droits fondamentaux, à protéger les justiciables. Certes, la justice doit se transformer, dit-on, mais certainement pas en faisant passer rentabilité et rendement avant humanité, car ce ne sont pas des dossiers dont il s’agit mais des vies. Tous savent que la levée des mesures de confinement va mécaniquement faire remonter la courbe de la délinquance et ils doivent se préparer à cela. Un autre des effets du coronavirus est qu’il réduit l’espace-temps, puisqu’il faut gérer les urgences et que le reste devra patienter jusqu’à finalement janvier 2021.

La crise mondiale liée au Covid-19 est un choc et une épreuve pour toute l’humanité, notamment pour les plus vulnérables. En une journée, nos vies sont passées de la normalité à un contexte de survie auquel les enfants, les adolescents et les adultes n’étaient pas préparés et ont dû s’adapter rapidement. Un séisme sociétal qui a ébranlé nos codes, nos habitudes, nos liens sociaux, nos économies, nos environnements, nos croyances, nos fois et tous nos quotidiens. Cette crise va bien au-delà du fléau sanitaire planétaire ; elle révèle les limites des différents modèles de pensée et du fonctionnement de tous nos modèles d’organisation des sociétés. Confrontés à cette urgence inédite, nous toutes et tous, citoyens, associations, universitaires, acteurs du monde de la politique, du droit, de l’éducation, de la culture, journalistes, entrepreneurs…, savons, dans un élan de responsabilité collective, qu’il est crucial de penser dès maintenant un nouveau monde, celui de l’après, pour qu’il n’y ait pas de retour à l’anormale normalité d’avant. Les sources inspirations ne manquent pas sur le terrain, des élans et des initiatives innovantes pour apporter des solutions de rupture.

Les priorités de la reconstruction dépendent de nous, garanties du bien commun, assurance d’une transition vers un modèle plus solidaire, résilience aux risques climatiques et écologiques, protection de la biodiversité, ainsi que des systèmes démocratiques qui associent réellement et pleinement la participation de toutes et tous et le respect des droits fondamentaux, essentiels pour éviter d’autres crises. Ces priorités peuvent guider la fondation d’un autre type de société, à condition que les citoyens se l’approprient. Aux quatre coins du monde des solutions déjà mises en place existent, pour faire face aux problèmes écologiques, économiques et socio-politiques ; l’agriculture urbaine, l’économie circulaire, l’énergie décarbonée et citoyenne, des monnaies locales et/ou virtuelles ou encore l'éducation positive, pourraient représenter l’alternative. En mettant bout à bout ces initiatives positives et concrètes qui fonctionnent, on pourrait voir émerger l’image de ce à quoi pourrait ressembler le monde de demain.

Alors que la pandémie Covid-19 s’étend encore à grande vitesse dans beaucoup de pays, notamment aux Etats-Unis et en Afrique, qu’elle n’a fait que commencer son ralentissement dans les pays européens les plus touchés (Italie et Espagne) et que la Chine, premier foyer, ne redémarre son économie qu’avec lenteur et prudence, l’aspiration et l’attente est générale. Et si le Covid-19 n’était pas une parenthèse ?

Ce qui manque en ces temps de crise c’est une voix rassurante, calme, lente, posée, qui nous raconterait les choses du futur quotidien, tous les fragments de ce nouveau monde plus résilient et humain. L’écologie prend ici tout son sens, son rôle primaire, contre la violence sociale et économique. À l’heure du confinement, des temps de réflexion sur notre économie et nos modes de vie, s’offrent à nous pour poser, de façon très incarnée et non culpabilisatrice, les bonnes questions sur les conséquences économiques, sociales et psycho-sociologiques du consumérisme à outrance. Ce qui était considéré comme impossible depuis des décennies est soudain devenu possible.

En quelques jours, des milliers de milliards de dollars ont été débloqués pour les banques et les multinationales pour tenter d'endiguer le raz de marée économique consécutif à la pandémie du Covid -19. Compte tenu des mesures qu’elle impose pour notre survie, la crise du coronavirus vient démontrer qu’une bascule rapide et un changement de stratégie est possible. Le jour d’après, plus rien ne doit et ne pourra être comme avant. Comment oublier ?... Celles et ceux qui ont risqué leurs vies pour tenter de sauver les nôtres ; celles et ceux qui hier n'étaient "rien" et qui soudainement se sont révélés essentiels à notre survie ; de juger les responsables et de soutenir les commissions d’enquêtes. Nous reprendrons les rênes de nos vies et de notre futur comme une renaissance. Nous devrons tout reconstruire avec et pour tous, services publics, de santé, égalité dans la liberté, lutte contre la domination, les ainés, les quartiers populaires, la paysannerie, le climat, la biodiversité, le logement, la démocratie, le droit d’asile, la justice, la citadinité et la ruralité, sans qu’aucun problème ne soit oublié.

Construire une plateforme citoyenne pour une vie digne dans un monde vivable et viable qui sera notre héritage à léguer aux générations futures. Être solidaires est devenu primordial, nous retrouver localement et mondialement, partout, comme une assemblée de peuples pour nous organiser et vivre mieux ensemble. Aujourd'hui, encore plus qu'hier, il est indispensable d'agir de manière unie, pour nous coordonner et préparer des actions communes de vie planétaire. Le jour d’après, personne ne doit reconfisquer notre humanité, notre planète, notre justice et notre devenir !
La pandémie exacerbe tout et frappe à toutes les portes thématiques, qu’elles soient, politique, économique, sociologique, scientifique (au sens large), juridique, organisationnelle, …, etc. Elle dessine un tableau géopolitique très préoccupant pour l’avenir de l’humanité et de la démocratie. En Chine, comme aux USA, on s’accuse mutuellement d’avoir fomenté délibérément la crise Covid-19. En Russie, au nom de la stabilité, le président russe, âgé de 67 ans et au pouvoir depuis 20 ans, s’est aménagé la possibilité d’y demeurer encore 16 ans de plus ; en Europe, le premier ministre hongrois a obtenu l’accord du parlement pour légiférer par ordonnances. Ainsi, à la faveur de la crise sanitaire, le premier ministre s’octroie les pleins pouvoirs et fait de son pays, d’une certaine manière la première non-démocratie de l’Union Européenne et la seconde dans l’environnement européen en comptant la Turquie. Un phénomène similaire a d’ailleurs été organisé en Tunisie puisque là aussi tous les pouvoirs ont été concentrés par accord du parlement entre les mains du chef du gouvernement, pour une durée limitée formellement à deux mois. En règle générale, on sait que la peur et l’incertitude profite aux régimes politiques autoritaires et/ou populistes. Aussi devons-nous nous montrer particulièrement vigilants quant à la protection et la défense du modèle démocratique et des droits humains dans les semaines et les mois à venir.

Ce tableau brossé peut apparaître quelque peu apocalyptique mais par certains de ses aspects il est aussi réaliste. On sent dans les sociétés que la peur gagne du terrain. Il y a d’abord des phénomènes de diplomatie internationale, des affrontements d’Etats, qui voient la question du multilatéralisme être battue en brèche par certains Etats. On voit la place que la Chine essaie d’occuper sur le terrain international, le retrait de la puissance américaine du multilatéralisme qui explique que la Chine occupe un espace qui auparavant était occupé par les USA. Les Nations Unies sont devenues le lieu emblématique de cet affrontement des puissances pour contrôler l’état du monde. La peur crée une montée du populisme, une tendance des populations à se réfugier entre les mains de ceux qui ont des discours sécurisants, trop faciles, populistes et qui gagneraient leur soutien.

Ce qui est frappant c’est de voir que dans les mécaniques qui ont été mises en place, l’arsenal législatif et règlementaire, l’instauration de l’état d’urgence au-delà des limites ordinaires, état d’urgence sanitaire, l’adoption de lois de sécurité intérieure, la peur est aussi devant la restriction des libertés fondamentales. Depuis quelques années, face au curseur des libertés, qui oscille entre besoins de sécurité et besoins de libertés, malheureusement, lorsque l’on interroge les populations du monde, la tendance va toujours vers la restriction des libertés pour plus de sécurité ; entre la sécurité et la liberté, le choix est rapidement fait en faveur de la première, avec l’idée qu’à termes, lorsque la situation sera meilleure, on regagnera sur le terrain des libertés ce qu’on avait sacrifié par ailleurs. Mais l’expérience montre que malheureusement lorsque l’on pousse le curseur d’un côté, il ne retourne jamais dans l’autre sens, vers sa position initiale. Progressivement, ce curseur a tendance à s’éroder au détriment des libertés fondamentales, dans tous les pays, par le fait que les populations sont devenues trop dociles au point de choisir la sécurité passive plutôt que la liberté.

Beaucoup d’Etats utilisent le prétexte de la lutte contre la pandémie Covid-19, pour sécuriser des dispositifs qui seront utiles plus tard pour contrôler les dissidences et les oppositions politiques, qui ont pour principes de lutter contre les abus et l’arbitraire de la puissance publique. Ce double phénomène de peur de la mort par la maladie et de peur de perte des libertés est récurrent actuellement. C’est là que l’on mesure la fragilité des acquis si durement gagnés puisqu’une crise sanitaire, la vie et la mort, sont en train de devenir un puissant outil d’instrumentalisation de la peur pour détruire et soumettre l’espace des libertés fondamentales. S’ajoute à cette thématique la défaillance des organismes internationaux, comme les Nations Unies, comme système régulateur mondial, qui a été frappante dans cette période dans laquelle on attendait, de la part de cette organisation, une parole forte, sensée.

Des atteintes aux libertés fondamentales

La difficulté, à l’heure actuelle, c’est que les Etats sont mobilisés sur autre chose, principalement sur la crise de la pandémie, sur le confinement des populations, sur des mesures permettant d’assurer le maintien de la population et la sécurité des hôpitaux et par conséquent, ces questions qui touchent aux libertés fondamentales sont, à l’heure actuelle, moins présentes dans l’esprit des gouvernants ou encore considérées secondaires. Il faut aussi penser qu’au-delà de ce jeu diplomatique entre les Etats et de ces jeux de pouvoirs, il y a des personnes, des individus qui sont menacés et qu’il faut défendre.
Dans ce cadre de géopolitique internationale, les libertés fondamentales doivent être préservées, pas de manière abstraite, mais concrètement. Voir le cas d’Edward Snowden obligé de s’expatrier vers la Russie qui lui a offert l’asile politique contre les USA, pour avoir révélé les programmes de surveillance de masse de la CIA et de la NSA ; le cas de Haï Fen, chef de service des urgences de l’hôpital central de Wuhan , qui a révélé le risque pandémique, et qui a subi des pressions de la part du gouvernement chinois ;  de nombreuses pressions, agressions, emprisonnements et même des assassinats de lanceurs d’alertes qui bravent la censure des gouvernements qui tentent de cacher toute la réalité liée à cette crise sanitaire, partout dans le monde. Une des dernières victimes de ce phénomène est le commandant du porte-avions nucléaire américain Théodore Roosevelt, qui a révélé la contagion Covid-19 à bord. En Europe même, à Malte, il y a quelques mois, une journaliste d’investigation a été assassinée sans que l’on connaisse, jusqu’à l’heure actuelle les coupables, même si l’on commence petit à petit à remonter le fil des responsabilités.

La crise que l’on voit monter ne va faire que mettre en relief les questions d’ostracisme et de rejet de l’étranger qui est déjà perçu comme une menace à la sécurité nationale. Les leaders populistes surfent sur la question de la menace que ferait peser l’étranger. Cela pose la question du choix de société que les Etats essaient de faire passer et que l’on voit exacerbé avec la pandémie actuelle. L’image de l’étranger comme porteur d’un mal qui risquerait d’affecter la société. Il s’ensuit une fermeture radicale des frontières au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter la propagation de la maladie, car elles s’accompagnent de mesures discriminatoires contre ceux qui, pour des raisons légitimes, ont besoin de se déplacer. La pandémie a donc des effets collatéraux tragiques et à l’encontre de la légalité.

Il y a notamment la question de la surveillance numérique, que l’on appelle aussi tracking ou traçage. Le gouvernement prévoirait la création de fichiers et d’une application de « tracking » pour isoler les malades du coronavirus et ainsi ‘’réussir’’ le déconfinement. Dans les pays asiatiques, les gouvernements ont exagérément vanté l’efficacité de ces systèmes dans la lutte contre la propagation de l’épidémie. Et donc, face à l’urgence de la situation, la Tunisie, après la France et l’Allemagne, est en train de plancher sur une application dédiée sur les Smartphones qui permettrait de suivre à la trace, en temps réel comme en différé, les personnes réputées volontaires. Compte tenu du fait qu’il s’agisse de suivre tous les mouvements des individus et de savoir quelles sont les personnes que ceux-ci ont rencontré, à qui ils ont parlé, on peut comprendre que cela puisse soulever des interrogations. Quid des données personnelles et du secret professionnel, notamment médical. La crise sanitaire que nous vivons nécessite indéniablement une intervention de l’État. Le confinement, atteinte considérable à notre liberté d’aller et venir, par exemple, semble nécessaire ; ainsi, toute privation de liberté, en cas de nécessité, à condition qu’elle soit proportionnée, peut être justifiée. Mais il ne faudrait pas que les amoindrissements de la liberté ne se prolongent au-delà du nécessaire ; il faut impérativement que la loi d’urgence prévoit sa propre fin.

Les exécutifs tentent de rassurer en affirmant que cette mesure ne sera que provisoire, mais de mémoire, beaucoup de mesures réputées temporaires et dérogatoires ont été frappées par le syndrome du ‘’provisoire qui dure’’. Les attentats terroristes ont donné lieu à l’adoption d’une série de mesures liées à l’état d’urgence, réputées provisoires et dont l’essentiel des dispositions sont passées dans le droit commun. Le même schéma pourrait s’appliquer aujourd’hui, l’état d’urgence sanitaire se substituant au terrorisme. Ces faits posent là encore la sempiternelle question de l’équilibre à trouver entre libertés et sécurité. Concernant le traçage, tout ce qui est livraison à l’État de données personnelles est particulièrement dangereux.

Certes, tout le monde rêve d’être protégé en permanence, mais nous sommes face à une atteinte fondamentale aux libertés fondamentales inquiétante. L’avenir est à craindre, tout comme le dispositif qui se met en place accompagné d’un langage spécifique. Une surveillance de la population par une brigade de surveillance dont le mandat n’est pas défini et qui pourrait risquer de menacer les libertés individuelles et collectives, une fois la pandémie dépassée. Le choix de cette mécanique de surveillance par le biais des téléphones portables représente à terme un risque pour les libertés fondamentales.

Le tracking d’informations personnelles captées, qui seraient stockées sur un système centralisé, lequel serait libre de décider de quoi faire des informations en question, ne peut être acceptable. Pourtant, la pratique s’accélère dans le monde, pays autoritaires en Asie et Amérique, démocratiques en occident, qui montre que le traçage repose sur de multiples solutions technologiques, des règles éthiques, des modes de gouvernance particuliers et un contrôle assuré tantôt par le parlement, tantôt par la société civile et des instances d’éthique et de régulation. Sur tous ces points, les opportunités offertes par les technologies de l’information et de la communication ont pour clé de voûte l’acceptation populaire. Mais dans un contexte de crise et d’urgence sanitaire, et/ou purement sécuritaire, la notion de volontariat existe-t-elle vraiment ? ou ne serait-elle qu’une « servitude volontaire » alimentée par la « peur », un panurgisme de plus, car même consentie, la collecte et l’exploitation des données personnelles aux fins de suivi est préjudiciable et condamnable.

Si ces outils se développent et que le tissu social nous impose de les accepter, ceux qui les refuseront seront stigmatisés comme des parias ou soupçonnés de réfraction à l’effort de guerre, d’autant s’ils sont minoritaires. Une application qui serait présentée comme ayant un intérêt vital pourrait susciter une large adhésion, la population étant dans un état de sidération inconsciente. Ce serait jouer avec l’opinion publique et prendre les citoyens pour des enfants.

Monji Ben Raies
Universitaire, Juriste,
Enseignant et chercheur en droit public et sciences politiques,
Université de Tunis El Manar,
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis.


 

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