News - 17.03.2020

Covid-19 : Le coup de poker d’Elyès Fakhfakh, faute de consensus unanime en faveur du confinement total

Covid-19 : Le coup de poker d’Elyès Fakhfakh, faute de consensus unanime en faveur du confinement total

Le chef du gouvernement joue gros ! Misant uniquement sur la discipline des Tunisiens pour respecter les consignes préventives, et espérant retarder le plus longtemps possible la propagation du Covid-19, il ne se décide pas à basculer dans le scénario italien, désormais suivi par la France. L’atermoiement au plus haut sommet de l’Etat, quant à un confinement total de l’ensemble de la population, ne cache pas de profondes divergences au sein de la classe politique. Il fut reconnaître que pareille décision n’est pas facile. « L’enjeu est de taille, explique à Leaders un observateur. Pour son gouvernement, mais surtout pour le pays et pour les Tunisiens. Demain, il sera trop tard pour lui imputer l’échec de sa stratégie, nous risquons de ne plus nous retrouver de ce monde. »

Activer les dispositions de l’état d’urgence ou prendre un décret spécifique

Le cadre juridique pour le confinement ne pose pas de problème. Sans aller jusqu’à activer l’article 80 de la Constitution, relatif au « péril imminent », comme expliqué par le professeur en droit constitutionnel, Farhat Horchani, ancien ministre de la Défense nationale de surcroit, l’état d’urgence en vigueur dans le pays en fournit les fondements. Les dispositions du décret n°78-50 du 26 janvier 1978, y afférent, donne pouvoir au gouverneur, au titre de son article 4, d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules, de réglementer les séjours des personnes, d’interdire le séjour à toute personne cherchant à entraver de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics, etc.  Aussi, « le ministre de l’intérieur peut prononcer l’assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée, de toute personne, résidant dans une des zones prévues à l’article 2 dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics desdites zones. »

Rien n’empêche par ailleurs, le chef du gouvernement, s’il ne souhaite pas activer ce décret de 1978, pourtant en vigueur, de prendre en conseil de ministres, un décret spécifique, en conformité avec les droits éthiques des personnes concernées.

Le risque d’effondrement économique

Partagé entre deux boussoles, les scientifiques d’un côté, et les politiques de l’autre, Elyès Fakhfakh est privé d’un consensus unanime qui l’autorise à frapper fort et vite. Se contenant d’une graduation des mesures, il en appelle à l’unité nationale. Comment saurait-il prôner cette grande union, alors qu’il ne parvient pas à rallier ses partenaires, partis politiques et blocs parlementaires, pour aller plus loin et plus fort, et décréter le confinement total.

Certes, le confinement ne peut qu’enrayer une escalade accélérée du coronavirus, réduire son ampleur et mieux préparer l’appareil sanitaire à en absorber le choc, inévitable. Bien que limité dans le temps, entre deux à trois semaines, il met certes l’économie et les finances à rude épreuve, affecte considérablement la vie quotidienne, mais, il peut s’avérer utile.

L’avis des scientifiques doit être rendu public et l’emporter sur les positions des politiques

Privé de consensus unanime, Fakhfakh ne bénéficie pas également des éclairages scientifiques, économiques et sociaux qui lui sont indispensables. Aucun comité scientifique indépendant et de haut niveau n’a, jusque-là été formé autour du chef du gouvernement et chargé par lui de lui fournir les hypothèses de transmissibilité et de mortalité probables. Aucune modélisation, ne serait-ce qu’approximative, des différents scénarios de progression, et inspirée d’exercices similaires à l’étranger, à paramétrer selon le contexte tunisien, n’a été engagée et validée. Ici et là des tentatives éparses sont amorcées. Sans plus. Le sens du devoir exige cependant du chef du gouvernement de mettre sur pied immédiatement ce conseil scientifique, de lui demander un rapport quotidien et de le publier. En rendant public ce rapport, il mettra fin à toute suspicion d’opacité et de maquillage des indicateurs, et édifiera la classe politique et l’ensemble des Tunisiens quant à la gravité de la situation.

L’appui à la recherche scientifique, l’exploration de toutes les opportunités pouvant s’offrir de par le monde ainsi que des équipements prioritaires à acquérir, tardent à se déclencher. Il aura fallu attendre que le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, s’y mette lundi matin, en lançant des appels d’offres nationaux et internationaux de grande urgence.

Sauver la vie, c’est aussi sauver l’entreprise, l’emploi et le revenu

Il en va de même pour ce qui est de l’économie et des finances. Se contenter d’annoncer comme il ne l’a fait que lundi soir, qu’une estimation des risques et des dégâts est initiée en vue d’identifier les mesures à prendre, relève d’un manque de prise de conscience de l’urgence de la situation. Fakhfakh veut sauver en priorité son gouvernement et la coalition qui le soutien. Même s’il met la santé des Tunisiens au cœur de ses préoccupations, il n’y œuvre pas de la manière la plus appropriée. Quant à l’entreprise, petite et grande, aux petits métiers, aux travailleurs indépendants et aux sans revenu, ils les renvoient aux calendes grecques. Rien de clair, rien de concret. Les finances publiques sont à l’agonie. De premières initiatives sont prises lundi matin par le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Slim Azzabi, pour solliciter d’urgence le soutien financier non-concessionnel des bailleurs de fonds ainsi que les pays frères et amis. Les besoins en devises sont énormes, et immédiats. Nous devons les satisfaire sans délais.
 

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2 Commentaires
Les Commentaires
artdeco - 17-03-2020 13:36

Plus ont va retarder, plus ça va nous coûter plus chère, pour enfin ne plus maîtriser la situation il faut une bonne dose de courage et foncé confinement total sous couvre feu.

Moncef - 17-03-2020 22:30

Si on veut vraiment endiguer l’épidémie, il faut frapper fort et rapidement comme l’ont fait les chinois, les italiens, les espagnols et dernièrement les français. Il faut aussi prendre l’avis des scientifiques qui connaissent bien ces questions et ces personnes existent en Tunisie : épidémiologistes, virologistes, médecins spécialistes des maladies infectieuses… oui ces personnes existent à Tunis, Sousse, Monastir Sfax…... D’ailleurs le laboratoire de virologie qui assure actuellement, à l’hôpital Charles Nicolle, le diagnostic biologique de la Covid-19 a été mis en place dans les années 70 du siècle dernier c’est-à-dire il y a plus de 45 ans ! Ce n’est pas la mise en place de la séance unique ni la fermeture des cafés à 16 heures qui vont diminuer les possibilités de transmission de la maladie. Il faut prendre les mesures qui réduisent d’une manière importante les contacts entre les personnes, dans la vie de tous les jours et ce, pour éviter la transmission de la maladie.

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