News - 12.11.2019

De retour au parlement, Saida Ounissi entend s'investir désormais dans le législatif (Vidéo)

Saida Ounissi passe du Gouvernement au Parlement

Après un passage au gouvernement, Saïda Ounissi retrouvera mercredi 13 novembre les bancs de l’hémicycle du parlement. Forte de l’expérience acquise malgré son jeune âge, elle a hâte de «renforcer le législatif» et de contribuer à la reconstruction du contrat social entre l'Etat et les citoyens. En tant que députée d’Ennahdha de la première circonscription de France, elle entend défendre les intérêts d’une diaspora qui a connu des mutations profondes ces dernières années.Interview

Réélue députée à l’ARP sur la liste d’Ennahdha en France 1, et en cinq ans, depuis  votre 1ère élection en 2014, vous voilà de retour en France. Comment avez-vous retrouvé la communauté tunisienne en France?

La communauté de tunisiens en France n'est plus ce qu'elle était. Elle s'est transfigurée. Sa structure socioéconomique a changé d'une manière radicale. Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle catégorie d’émigrés. Les jeunes ingénieurs et médecins qui ont émigré en France ces dernières années, sont en fait les principaux acteurs de cette mutation. Ils ont enrichi notre diaspora en France au point de refaçonner l’image de la communauté surtout dans les grandes villes et les centres économiques où ils exercent.

On observe aussi une meilleure intégration chez les émigrés issus de la 2ème et 3ème génération. On est également en face d'ouvriers qui ne considèrent plus leur présence en France comme provisoire et y sont solidement établis avec leurs familles.

Ces mutations profondes impliquent un engagement plus fort de la part de l’Etat et du gouvernement. Ceci doit se traduire par un intérêt croissant  envers nos citoyens à l’étranger, notamment à travers une représentation adéquate au sein de l’ARP. La population Tunisienne en France a des aspirations et des besoins nouveaux, et exprime une volonté de s’engager dans le pays d’origine d’une autre manière. Par conséquent, le poste d’attaché social, tel que nous le concevons aujourd’hui ne fait absolument plus sens.

Nous devons apporter à cette communauté des réponses différentes, proposer des programmes et des politiques publiques. Je ne le dirai jamais assez, Les émigrés Tunisiens ont changé, leurs besoins aussi. La panoplie traditionnelle de programmes dédiés n’est plus en mesure de répondre à ses exigences. Il faut éviter les solutions proposées via une approche très paternaliste qui aujourd’hui n’a plus lieu d’être. Ce sera notre mission pour les cinq ans à venir

Depuis la  France, comment avez-vous vécu les élections en Tunisie?

C’est vrai qu’il y a eu un engouement, et d’ailleurs, je veux profiter de cette occasion pour dire à quel point les demandes de supprimer le droit de vote aux tunisiens à l’étranger sont déplacées, pour ne pas dire anticonstitutionnelles, puisque leurs droits civiques et politiques sont garantis par la constitution. Cela permet de calmer les ardeurs aux élans xénophobes, envers une population à l’identité très diverse.

C’était très intéressant aussi d’assister à l’engouement des ressortissants des pays voisins comme la Libye ou l’Algérie. Ils exprimaient une implication joyeuse dans cet évènement d’ampleur régionale, cela ne fait que démontrer le niveau de solidarité du Maghreb Arabe. Il est important de penser à la construction d’une solidarité régionale, pouvant émaner des ressortissants de la région. Il est à noter que les Tunisiens partout à l’étranger sont très actifs au sein de la communauté maghrébine et arabe.

C'est en effet intéressant de constater cet enthousiasme. Les gens ont voté avec des taux de participation similaires à ceux des régions en Tunisie et il faut continuer à préserver cet élan.

Au sujet de la diplomatie économique, la qualité des débats était remarquable! On s’en est aperçu lors des débats avec la communauté tunisienne en France, puisqu’ils ont suscité beaucoup d’intérêt. Il importe de savoir dans quelle mesure le prochain Président de la République saurait s’appuyer sur cette force de frappe que constituent les Tunisiens résidents à l’étranger notamment en France, pour mener à bien les objectifs de la diplomatie Tunisienne.

Précisément, comment voyez-vous l’élection de Kais Saied ? Et qu’est-ce que cela vous a inspiré?

Je pense qu’il y a une belle histoire à raconter. Et cette belle histoire est en harmonie avec l’émergence de l’antisystème et des antipartis dans d’autres Nations, comme le succès de Podemos en Espagne et la popularité du Mouvement cinq étoiles en Italie. Cette belle histoire à raconter est celle d’un professeur universitaire, qui, à travers un travail de terrain et le dialogue permanent avec des jeunes de son pays a réussi à se hisser à la tête de la magistrature suprême par le biais d’une campagne atypique avec vraisemblablement peu de moyens. Puis, en faisant les choses un peu différemment et en adoptant une posture décalée, son discours a aussi titillé les passions. Cela m’a beaucoup exalté, puisque je fais partie d’une classe politique qui doit assumer les résultats des élections présidentielles et sait lire le message du peuple tunisien par l’élection de Kais Saied.

Et comme toute personne de mon âge, je suis extrêmement séduite par son courage, sa façon nouvelle de faire les choses, d’avoir un discours brut qui ne se soucie pas de plaire ou non. Cela a peut-être aussi a permis de remotiver la jeunesse qu’on disait abstentionniste et absente non seulement du débat politique mais du débat public de façon générale.

En même temps, il y a des questions qu’on se pose évidemment, concernant l’idée politique que représente Kais Saied. Ceci dit, je reste extrêmement optimiste du fait que le Président a, jusqu’à présent, tendu la main à tous. Je crois qu’il ne faut pas sous-estimer le message véhiculé durant les dernières semaines en invitant toute les familles politiques sans exclusion à venir au palais présidentiel et je crois que c’est un beau geste.

En  fin de compte, je pense que le mandat de Beji Caied Essebsi, premier président élu après la révolution de 2014, a suscité des vocations. Il se présentait aussi comme le président de tous les Tunisiens et disait clairement que le président appartenait à tout le monde, que le palais était ouvert à tous. Je suis très contente de voir que Kais Saied continue à s’inscrire dans cette dynamique là.

Avez-vous été interpellée par autre chose pendant les législatives ou d’autres scrutins?

Je n’ai pas eu l’occasion jusque-là de commenter le scrutin des législatives. Il est incontestable que la majorité du peuple, et c’est le sens du vote, aimerait revenir aux fondamentaux de la révolution qui sont schématiquement davantage de réformes, davantage de courage politique, de la nouveauté et la fin de l’injustice sociale. Il y a en effet des questions économiques qui se posent aujourd’hui de manière très vive dans notre quotidien.

Cela dit, ce qui m’irrite c’est le simplisme du populisme. Je n’ai jamais été une femme politique qui est tombée dans la facilité du populisme et je continue de résister à ne pas y tomber, même si mes collaborateurs me le reprochent des fois. Je pense qu’éduquer le sens politique des citoyens, faire de la pédagogie et fournir des explications, essayer de simplifier la complexité dans laquelle on se trouve est primordial. Mais je n’ai jamais été séduite par la facilité du «tous pourris» ou «tous corrompus».

Et mis à part le populisme?

Peut être la question des libertés publiques, et je le dis avec beaucoup de conviction; je fais partie d’un Mouvement qui s’est battu entre 2011 et 2014, pour l’inscription des libertés fondamentales dans la constitution et nous avons pris jusqu’à aujourd’hui cette bataille à cœur. Je m’inquiète de la facilité par laquelle certains cherchent à relancer les tentations dictatoriales, par la façon de se prononcer sur les libertés publiques, les libertés fondamentales, les droits des femmes et les droits sociaux… Je reviens au Bardo sans confiance infinie dans les autres acteurs politiques qui seront présent sur l’hémicycle pour ces questions là.

Vous avez opté pour l’action parlementaire. Qu’en attendez-vous?

J’espère ne pas insulter l’avenir par mes propos, mais je suis allée à la rencontre des ceux qui ont voté pour moi en disant que nous avons une mission au sein de l’appareil législatif. Je me suis engagée dans un combat politique qui m’est propre, et qui est le respect de l’esprit de la constitution de 2014. Avec un régime semi-parlementaire, il est extrêmement important que le Bardo ait un cachet, et qu’il y ait des poids lourds au sein du parlement pour qu’il puisse jouer un vrai rôle, loin de cette image de chambre d'enregistrement.

Le parlement n’est pas uniquement un acteur qui se contente de voter les lois qui sont envoyées par le gouvernement mais c’est aussi une force de proposition.
Il y a une conviction forte en moi, qui est le fruit des 5 années d’expérience politique. Je peux dire que la priorité est de renforcer le législatif et c’est là où je veux m’investir.
Également, nous avons besoin d’avoir des relais et de pouvoir compter sur la société civile, car le plus important aujourd’hui à mes yeux, c’est de reconstruire le contrat social entre les citoyens et l’État. Nous avons besoin de personnes qui s’investissent dans cette direction. Telle est ma vision et mon objectif.
A plus forte raison, et je le dis clairement, quand nous avons 10% de citoyens qui vivent à l’étranger, dont les plus brillants talents de la Tunisie. Ces gens-là, ont un certain nombre d’avantages, qu’ils soient économiques, ou en termes de connaissances ou même d’encrage dans les sociétés dans lesquelles ils vivent. Ils sont les ambassadeurs des Tunisiens à l’étranger et les investisseurs de demain.
Je porte le projet politique de ces gens, qui ont absolument besoin d’un vis-à-vis politique, sans oublier que ce sont des personnes qui ont des besoins, qui sont clairvoyantes mais sont aussi très exigeantes.

 

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