News - 04.07.2015

Caïd Essebsi, décrétant l’état d’urgence : « Nous sommes en guerre ! »

Caïd Essebsi, décrétant l’état d’urgence : « Nous sommes en guerre ! »

Décrétant l’état d’urgence sur l’ensemble du pays pour la première fois depuis le 5 mars 2011, le président de la République affirme que la Tunisie est en état de guerre, exigeant des moyens appropriés et une large mobilisation populaire, dans le respect des libertés. En chef de guerre, il s’achemine vers un renforcement important du dispositif sécuritaire et militaire. Graduellement, pour d’endiguer les graves menaces de Daech après le carnage de Sousse, la montée en régime des mesures préventives et le déploiement de l’armée vise à éviter toute nouvelle attaque, comme l’a expliqué le président Béji Caïd Essebsi, samedi après-midi, dans une adresse télévisée à la nation. « Si la catastrophe de Sousse se répète, l’Etat risquerait de s’effondrer ! » a-t-il souligné.

Concrètement, en plus des pouvoirs supplémentaires conférés au ministre de l’Intérieur et qu'il peut en déléguer certains aux gouverneurs, l’état d’urgence instaurera un cadre juridique permettant à l’armée de se déployer dans les villes et agglomérations pour assurer la protection de lieux sensibles.

La décision de décréter l’état d’urgence avait été envisagée dimanche 28 juin dernier, lors du conseil de sécurité, réuni d’urgence au palais de Carthage au surlendemain de l’attaque de Sousse. Mais, Caïd Essebsi a préféré en reporter l’entrée en vigueur. Voulait-il garder cette carte en main ou laisser aux forces sécuritaires et militaires de bien préparer sa mise en œuvre, surtout après le rappel des réservistes de l’armée ? Les deux à la fois, affirment les connaisseurs du sérail. Suivant de près l’évolution de la situation et la confirmation de nouvelles menaces. Il a fin par s’y résoudre et il ne restait plus aux communicants de Carthage qu’à la mettre en mesure.

Tirer les Tunisiens de leur insouciance

Le déroulé se fera en deux temps : annonce en alerte la décision samedi vers 14 heures en précisant que le chef de l’Etat sera à la télévision à 17, puis l’adresse télévisée elle-même. Choisir ce timing d’un samedi après-midi, à 17h, soit après la baignade pour les côtiers et  avant la rupture du jeûne pour tous, entend sans doute capter l’attention de larges franges de la population et contribuer à leur mobilisation. Aussi, et en rupture des cadres habituels des scénographies de Carthage, Caïd Essebi parlera du Salon doré, réservé aux grandes audiences accordées à des hôtes de haut niveau. 

 

Son adresse est mesurée, pédagogique, en exposé de motifs pour expliquer les motivations de sa décision et sa portée. Le chef de l’État reviendra longuement sur les multiples difficultés économiques et sociales, venues s’ajouter à celles sécuritaires. Les obstructions à l’acheminement du phosphate vers Gabès, cité en exemple, sont qualifiées d’acte de rébellion. Quant au soutien international dont commence à bénéficier la Tunisie, il doit gagner en coordination et en stratégie commune.

Ce que Daech vise, c’est le modèle de transition réussie

Caïd Essebsi met en garde les Tunisiens contre le grand danger qui menace le pays, affirmant certes que les forces sont en état d’alerte, sans cependant reconnaître que des points faibles restent à combler. « Nous sommes en guerre, martèlera-t-il, une guerre spécifique qui exige une mobilisation générale, dans le respect des libertés et droits ». Ce souci du respect de la liberté d’expression et de la presse, en particulier, et des libertés individuelles, en général est hissé en principe, car il fait partie selon Caïd Essebsi des acquis démocratiques constitutionnalisés, précisément visés par l’État islamique. Daech s’emploie en effet à disloquer l’État et ses institutions en Tunisie, pour saper son modèle de transition résussie.

 

Si la situation intérieure exige la proclamation de l’état d’urgence, le contexte régional le recommande encore plus fortement, dira Caïd Essebsi. Evoquant l’aggravation de la crise en Libye, il déplore les risques de partition et ses conséquences. L’appel qu’il lance aux Tunisiens est un appel à prendre conscience des enjeux et dangers, un appel à l’union nationale. S’il ne révèle rien du soutien effectif des partis politiques et de la concrétisation de l’aide internationale promise et restée depuis lors sans suite, il essaye de faire un effort d’explication indispensable pour sortir les Tunisiens de leur défiance et de leur insouciance. Sans être alarmiste, ni aux abois, il s’est adressé à la raison des Tunisiens et à leurs cœurs, espérant être, cette fois, bien écouté, bien entendu.

 

T.H

 

 

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