News - 10.10.2013

Mansour Moalla: Mettre fin à la «désunion nationale»

Pourquoi nous sommes aujourd’hui en pleine confusion?
Nous sommes dans l’impasse parce que nous n’avons pas pris le bon chemin dès le lendemain du 14 janvier 2011. Nous nous sommes égarés dans les méandres de la politique politicienne et les turpitudes du «pouvoir».

Nous avons ainsi trahi – et le mot n’est pas trop fort – une révolution spontanée et innocente qui appelait et méritait une union nationale regroupant toutes les énergies du pays pour réaliser les objectifs de cette révolution, assurer la stabilité et la sécurité, éliminer tout extrémisme, relancer l’économie et donner de l’espoir aux personnes les plus démunies et les régions les plus défavorisées. Autant de défis qui auraient soulevé l’enthousiasme de la population, mobilisé ses potentiels de création et de développement et répandu la fraternité et le bonheur parmi les Tunisiens classés malheureusement aujourd’hui comme étant parmi les plus tristes et les plus malheureux sur cette planète. Il n’est que trop triste de voir ce pays qui a tout pour être prospère s’enliser dans l’impuissance et le déclin.

Il est en effet pénible de constater que nos dirigeants politiques ne parviennent pas, après des semaines et même des mois de conversations, de discussions et de négociations, à s’entendre sur une solution satisfaisante de nature à mettre fin à la crise actuelle.

Pourquoi? Le gouvernement en place craint de perdre l’avantage du pouvoir pour sauvegarder ses chances de le garder le plus longtemps possible et réaliser ses propres objectifs. Il craint également d’être exposé ouvertement à toutes sortes de réactions hostiles.

L’opposition n’accepte plus un gouvernement partisan qui n’hésitera pas à mobiliser les instruments du pouvoir pour gagner de futures élections et pense qu’on risque d’aggraver la situation du pays si de telles élections sont «manipulées».

Le progrès réalisé et le compromis trouvé résident dans la constitution d’un gouvernement non partisan composé de personnes indépendantes et compétentes pour assurer la dernière phase de la période transitoire dans la confiance et la sérénité.

Et malgré ce progrès, on piétine. On se dispute sur les détails. Or les détails deviennent importants et il faut en tenir compte: ils doivent être étudiés sereinement au sein d’un organisme ad hoc susceptible de rassurer toutes les parties en cause.

On a suggéré à cet effet la création d’une Haute instance politique nationale composée des représentants au niveau le plus élevé des partis de la Troïka et de l’opposition ainsi que des dirigeants des institutions de la société civile dont les syndicats des employeurs et des salariés.  Cette haute instance exposée au détail dans le journal  Le Maghreb du mardi 3 septembre 2013  aura pour mission de traiter les problèmes politiques dont la constitution de la loi électorale, les élections et de procéder  à la constitution du nouveau gouvernement indépendant qui aura pour tâche de traiter les problèmes de sécurité et ceux concernant les questions économiques et sociales.

Les deux organismes se concerteront pour réfléchir sur les meilleures solutions à adopter pour faire face à leur mission. Ce sont deux organismes permanents qui siègeront jusqu’aux élections dont ils doivent assurer le déroulement dans les meilleures conditions pour éviter toute contestation.

L’essentiel est là

Les décisions de ces deux organismes pourront être adoptées par l’ANC étant donné leur élaboration par les principaux partis et institutions représentés à la Haute instance. Celle-ci et le gouvernement indépendant constitueront ainsi un «Conseil de la République» qui assurera le rôle de l’ANC au point de vue législatif et réglementaire. Le Conseil de la République désignera un président, personnalité indépendante, qui assurera la fonction de chef de l’Etat. On pourra fonctionner ainsi en attendant la promulgation de la constitution de la loi électorale et des autres textes relatifs au domaine politique. Ce dispositif est nécessaire pour réussir cette dernière phase de la transition démocratique. Et en effet, un gouvernement de «technocrates» risque d’échouer s’il n’est pas soutenu par les forces politiques. Il faut impliquer ces dernières et la Haute instance permettra de le faire. On évitera ainsi toute exclusion et toutes les parties concernées pourront participer à la gestion des affaires du pays. Ce travail en commun permettra le rapprochement des points de vue et l’établissement progressif de la confiance entre les dirigeants et nous évitera l’échec de la division et de la désunion.

Ce même dispositif permettra de préparer la suite du processus après le déroulement des élections. Celles-ci ne doivent pas rétablir la division et la discorde dont la pays a souffert depuis le 14 janvier 2011. Aussi la Haute instance politique nationale, le gouvernement non partisan et le Conseil de la République qui les réunit doivent préparer les conditions de l’établissement de cette union nationale qui aurait dû gouverner le pays et qui aurait pu le sauver au cours des trente trois mois que nous avons gaspillés en querelles et conflits inutiles. Des élections traditionnelles conçues pour dégager une majorité et une opposition se détruisant mutuellement ne peuvent que maintenir et aggraver la désunion et la discorde.  Le temps viendra où on pourra se le permettre avec moins de dégâts, lorsque le pays stabilisé et l’économie redressée le permettront. Ce qui demandera du temps et l’union de toutes les énergies. On ne répètera jamais assez qu’aucune fraction ou parti ne peut gouverner seul le pays.

Or on constate que les uns et les autres préparent fiévreusement de telles élections avec la ferme intention de combattre et d’éliminer l’autre. Les responsables politiques doivent y réfléchir sérieusement avant de se lancer dans cette lutte fratricide. Et s’ils continuent comme ils le font jusqu’ici à s’affronter, ils ne pourront plus demander à la population de garder le calme et la sérénité comme ils ne peuvent empêcher le pays de s’agiter et la situation générale de se dégrader.

Il est temps que l’on prenne conscience de cette nécessité, devenue urgente, de l’union nationale, qui constitue le moyen le plus efficace pour sauver le pays. Je l’ai dit depuis mars 2011. Je ne cesserai pas de le répéter. Les faits me confirment dans cette obstination. A situation exceptionnelle comme celle que nous vivons depuis janvier 2011, il faut une solution exceptionnelle comme l’union nationale.

M.M.

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