Notes & Docs - 07.06.2013

Le Premier ministre japonais parle de l'approche de son pays en matière d'aide au développement

L'intérêt du Japon pour les problèmes de développement en général et celui de l'Afrique en particulier est relativement récent. Il remonte à une vingtaine d'années et l'organisation, à Tokyo, début juin de TICAD pour la cinquième fois en est la parfaite illustration.  A cet égard, nous avons jugé bon de mettre en ligne la traduction française (1) d'un article du  Premier Ministre japonais, Shinzo ABE sur l’économie du Japon et le développement en Afrique paru dans le « Wall Street Journal ». L’article souligne la volonté du Gouvernement japonais de renforcer son économie tout en faisant part de son engagement à l’égard  du développement équitable et et inclusif de Afrique, les deux démarches que M. Abé considère comme inséparables.
Pour nous Africains, cet article est d'une importance certaine parce qu'il est éclairant sur l'approche ce  grand pays asiatique en matière d'aide au développement.

Assurer le rétablissement économique du Japon a été ma priorité depuis mon retour au poste de Premier ministre à la fin de l’année dernière. Nous avons depuis accompli des progrés et, comme ce journal le souligne, les entreprises comme les citoyens japonais commencent à en bénéficier.

Toutefois, la structure de l’économie mondiale fait que les «Abenomics» ne peuvent se limiter à la seule dynamisation du marché intérieur, ni s’inscrire sur le court terme. La force de l’économie japonaise réside dans la coopération et les échanges internationaux, tandis que notre politique étrangère repose sur la conviction que l’établissement de la paix et de la prospérité à l’étranger contribue à l’établissement de la paix et de la prospérité chez soi. Cette position se reflète aussi dans l’approche du Japon pour faire face aux défis mondiaux en matière de développement.

Durant ma première visite officielle au Myanmar au cours du mois, j’ai pu y constater l’application du processus de démocratisation. J’ai été frappé de découvrir que les pays développés et ceux en développement étaient confrontés aux mêmes difficultés pour s’assurer que leurs politiques économiques profitent aux citoyens de manière directe et concrète. Cette problématique, qui est au cœur de nos actions pour éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement, figurera parmi les questions que nous aborderons avec les dirigeants africains et les autres participants à la Cinquième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD V) du 1er au 3 juin prochains (l'article a été rédigé avant la tenue de TICAD 5).

La TICAD, qui célèbre cette année son vingtième anniversaire, est organisée conjointement par le gouvernement du Japon, la Commission de l’Union Africaine, les Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque mondiale. Ce processus réunit les partenaires au développement, les pays donateurs, le secteur privé et les ONGs pour qu’ils participent au dialogue sur le développement de l’Afrique. La TICAD repose sur une volonté de s’éloigner de la relation « Haut-Bas » du modèle donateur-récipiendaire au profit des principes d’une « appropriation » africaine du processus de développement et d’un « partenariat » international.

Les raisons pour lesquelles le Japon a adopté une approche unique en matière de réduction de la pauvreté et de développement sont multiples, la première étant les leçons qu’il a tirées de sa propre modernisation. Disposant de faibles ressources naturelles, le Japon s’est très vite concentré sur son bien le plus précieux, ses ressources humaines. La croissance n’est pas uniquement alimentée par les ressources naturelles. Ce sont les gens qui la stimulent et la maintiennent, à travers leurs compétences, leurs formations, leur innovation et leur cohésion sociale. 

Le Japon dispose d’une solide expérience en matière de programmes d’aide au développement sur une base bilatérale et multilatérale. Même si nos positions ont considérablement évolué, notre philosophie reste centrée sur le développement des ressources humaines.

Dans ce contexte, quel est le sens véritable du développement des ressources humaines ? En début d’année, j’ai eu la chance de discuter de ce sujet avec le professeur Joseph STIGLITZ de l’Université de Columbia. Nous sommes tombés d’accord sur le fait que la « croissance inclusive », où les bénéfices de la croissance ne se limitent pas à quelques-uns mais profitent à l’ensemble de la population, en constituait l’une des bases fondamentales.

Le développement des ressources humaines implique également de promouvoir la démocratie, ainsi que de reconnaître l’importance de la dignité humaine et du développement individuel. Le modèle japonais vise à s’assurer que les individus se sentent en confiance et fiers de leurs contributions à la société. Cela suppose que nous portions une attention particulière aux jeunes et aux femmes qui, quand ils bénéficient de l’éducation dont ils ont besoin, peuvent devenir un moteur du développement de leurs pays et contribuer à y faire évoluer le système politique et social. 

Parallèlement au développement des ressources humaines, les infrastructures jouent également un rôle essentiel en favorisant l’interconnexion des marchés qui permet la diffusion des bénéfices issus du commerce. La combinaison des infrastructures avec les ressources humaines fournit ainsi une base en faveur d’une augmentation de l’investissement privé.

L’engagement du Japon en faveur de l’Afrique et du processus de la TICAD illustre ces positions. La conférence de cette année portera sur la création d’économies solides et durables, ainsi que d’une société inclusive et résiliente reposant sur la paix et la stabilité.

On accorde aussi une grande importance aux partenariats public-privé et à la mobilisation du secteur privé pour permettre aux pays ainsi qu’aux communautés du continent africain  de disposer de marchés performants sur le plan national, régional et continental – une condition préalable essentielle pour améliorer le niveau de vie, réduire la pauvreté et stimuler l’emploi.

Les contributions positives des projets en cours de la TICAD sont visibles sur tout le continent. Par exemple, le Projet de renforcement des capacités de la petite horticulture au Kenya vise à expliquer les avantages de l’efficacité du marché, pour garantir aux fermiers de produire ce qu’ils sont sûrs de pouvoir vendre et faire en sorte qu’ils soient à la fois productifs et rentables. Ce projet répond à un besoin de renforcer l’accès des petits exploitants aux marchés, en y associant les concepts de marketing et de productivité. Ce projet est désormais étendu à tout le Kenya. 

L’Afrique a connu ces dernières années une croissance dynamique, avec une moyenne annuelle de plus de 5%. Toutefois, le renforcement de l’intégration économique du continent est une condition préalable importante à une poursuite de sa croissance. A l’instar des Postes frontaliers à arrêt unique (OSBP), les projets conduits dans le cadre de la TICAD ont permis aux pays africains d’accélérer leurs procédures douanières, promouvant ainsi la mobilité et le développement régional. Faisant suite au succès du projet initial sur la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe, l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) soutient le développement de projets similaires sur plus de 13 points frontaliers du continent.

Le Japon tient ses promesses. Il a tenu l’engagement qu’il avait fait en 2008 lors de la TICAD IV de doubler la moyenne quinquennale des investissements directs vers l’Afrique, moyenne qui avait déjà triplé à la fin de 2011. Bien qu’ambitieux, les objectifs de la TICAD V seront tous réalisables. De même que pour les défis économiques auxquels est confronté le Japon aujourd’hui, une solution « à la va-vite » ne serait pas appropriée. Nous avons besoin d’un engagement réel pour assurer un développement économique inclusif et durable. Cela débutera par le développement des ressources humaines, la création d’un environnement où les compétences de chacun peuvent s’épanouir, où les femmes et les jeunes peuvent gagner confiance en eux et les communautés prospérer.

Cette année, le Japon a promis une aide supplémentaire de 550 millions de dollars en faveur de la stabilité, de la paix et du développement en Afrique. Il s’est également engagé à fournir une aide sur le terrain sur tout le continent, en menant par exemple des opérations de lutte contre la piraterie le long des côtes orientales de l’Afrique ou en fournissant une assistance humanitaire au Mali et dans la région du Sahel. Le Japon est conscient de la nécessité d’apporter sa contribution à l’échelle mondiale et de coopérer avec ses partenaires internationaux. J’espère sincèrement qu’une économie japonaise plus dynamique et résiliente contribuera de manière significative à l’Afrique et au reste du monde.

(1) l'article a été traduit par les services du gouvernement japonais



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